Dans une prose poignante, Habib Léon Ndiaye commémore le 22e anniversaire du naufrage du Joola, la plus grande catastrophe maritime civile de l’histoire du Sénégal. L’auteur, administrateur civil, dresse un bilan amer des promesses non tenues et des leçons non apprises depuis cette tragédie qui a coûté la vie à près de 2000 personnes. Entre hommage aux victimes et réquisitoire contre l’irresponsabilité persistante, ce texte résonne comme un appel urgent à la conscience collective et à l’action concrète pour honorer la mémoire des disparus.
26 SEPTEMBRE 2002 – 26 SEPTEMBRE 2024 : 22 ANS !
22 ANS que par la nauséeuse négligence humaine, notre pays enregistrait la plus grande catastrophe de l’histoire de la navigation maritime civile.
Près de 2000 de nos concitoyens, d’hôtes étrangers, venaient de payer le lourd tribut de notre innommable irresponsabilité.
Que d’espoirs et de rêves brisés, que de familles déchirées, que de carrières et de projets de vie anéantis, que d’âmes tout simplement englouties dans les profondeurs abyssales de l’océan.
Plus jamais ça !
Comme un cri expulsé du tréfonds de nos tripes, comme un cri rageur, brûlant de colère nos consciences et nos êtres, nous nous étions tous écriés, comme un seul homme : Plus jamais ça !
Touchés par cette tragédie, nous avions tous espéré et fait le serment que cette douloureuse mort de nos parents, amis et proches expierait à jamais, dans nos actes et pratiques, l’irresponsabilité, la légèreté et la cupidité autant de fautes qui les arrachèrent à notre tendre affection.
Année après année, chaque 26 septembre, dans un rituel commémoratif, nous nous rendons à Ziguinchor, au port de la ville, aux cimetières de Kantene, de Kabadio.. pour répéter machinalement ce que nous dénoncions et regrettions un an avant.
Année après année, devant les témoins vivants de cette tragédie, comme dans un confessionnal, nous récitons notre acte collectif de contrition.
22 ans après, que nous reste-t-il de cet engagement, de cette introspection ?
22 ans après, rien serions-nous tenté de répondre..
22 ans après, nos concitoyens périssent régulièrement dans des accidents de la route par la négligence des conducteurs, par la corruption des agents de sécurité préposés au contrôle routier, par la cupidité des agents préposés au contrôle technique des véhicules de transport.
22 ans après, nos véhicules de transport en commun sont bondés de passagers, entassés, par moment, comme des sardines, sous le regard médusé et paradoxalement indifférent de toute la chaine de contrôle étatique.
22 ans après, les corps de notre vaillante jeunesse s’amoncellent au fond des océans, jetant aux rivages de nos mers les reflets de notre incurie et de notre incompétence à trouver des solutions durables et structurelles au chômage, au sous-emploi et à la précarité.
22 ans après, nos villes et espaces urbains croulent sous le poids engourdissant d’une jeunesse désœuvrée et désemparée par les échecs répétitifs de nos politiques de formation, d’emploi et d’insertion.
Aujourd’hui, à Ziguinchor, point de départ et d’arrivée du navire le Joola, se dresse, tel un phare dans la profonde obscurité, le mémorial-musée éponyme, un mémorial contre l’oubli.
Puisse-t-il dans son élan majestueux élever nos consciences et nos âmes vers les cimes de la responsabilité, de la rigueur et de la transparence !
Pour qu’enfin cette si cruelle tragédie ne soit pas sans enseignement !
Habib Léon NDIAYE
Administrateur civil

Merci pour cette invitation à la prise de conscience collective
Merci pour cette invite