Le Denier de Culte au cœur d’un gros malentendu entre les fidèles et les pasteurs

Le Denier de culte dont la campagne est lancée chaque année dans nos paroisses pendant le Carême fait l’objet d’un gros malentendu entre les fidèles et les prêtres. Malgré les milliers de paquets d’enveloppes distribués, les annonces faites lors des rassemblements liturgiques et sur les réseaux sociaux, suivies d’affichages dans les espaces publics et autres actions sensibilisation, de nombreux fidèles manquent à leur devoir de soutenir l’Église. Plusieurs raisons seraient à l’origine de leur faible participation à cette campagne annuelle.

D’abord sur le plan économique, bon nombre de fidèles considèrent que l’Église est suffisamment riche, et qu’elle n’a pas besoin de leurs dons ou contributions. Pourquoi aider d’ailleurs un prêtre qui dispose déjà d’un véhicule, nourri, logé, blanchi et soigné alors que de plus en plus de fidèles peinent à assurer la dépense quotidienne au pays de Goorgorlou ? « Les temps sont durs pour tout le monde, que les diocèses s’adressent alors au Vatican, « immensément riche », pour leur venir en aide » ou alors « les prêtres ont des bienfaiteurs à l’extérieur qui les soutiennent », se justifient sèchement parfois certains fidèles.

A cette raison financière et économique s’ajoutent l’insatisfaction et une rupture de confiance entre les brebis et leurs pasteurs, pour expliquer leur faible participation au Denier de l’Église. Quand la liturgie n’est pas soignée ; quand les instructions du Pape, qui demande « de ne jamais refuser le baptême à qui le demande », ne sont pas remplies ; quand les fidèles sont méprisés et ne reçoivent aucune situation de leurs contributions ; quand le catéchisme est traité comme une pastorale facultative réservée à des fidèles sans formation ; quand la visite des familles, en particulier les plus pauvres est retirée des priorités pastorales ; quand la table du Curé est mieux garnie que celle du pauvre fidèle. Et l’on sait, pourtant, que de nombreux fidèles préfèrent donner à certaines communautés, instituts et autres organismes, plutôt que de financer un diocèse, qui pourrait « utiliser cet argent à d’autres fins ».

Le manque de générosité et la pauvreté du sens de l’Église sont aussi pointés parmi les raisons de ce malentendu. De nombreux fidèles acceptent bel et bien de donner leur contribution, mais sans arrachement, sans effort, en glissant un montant dérisoire dans l’enveloppe pour se donner bonne conscience. Ils participent sans tenir compte de leurs possibilités financières, alors que le fidèle doit pouvoir participer, au minimum, à hauteur d’une journée de travail, selon le mandement des évêques.

Dans tous les cas, si l’Église veut connaître une plus grande participation des fidèles à la campagne du Denier de culte ou à toute autre campagne de mobilisation financière, elle devrait davantage travailler à dissiper ce gros malentendu synonyme la plupart du temps de crise de confiance. Il est certes toujours bon de rappeler aux fidèles qu’ils « sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins de l’Église afin qu’elle dispose de ce qui est nécessaire au culte divin, aux œuvres d’apostolat et de charité et à l’honnête subsistance de ses ministres » (cf. canon 222 § 1) mais il est aussi important de regagner leur confiance. Cela passe par la mise en place d’un système moderne de collecte avec des règles étanches de transparence et de reddition des comptes et aussi par un engagement plus ardu dans la prise en charge pastorale des besoins des fidèles.

En effet, une plus grande proximité des pasteurs permettrait de mieux faire comprendre à ceux qui pensent que l’Église est riche et qu’elle n’a pas besoin des dons des fidèles, qu’elle est plutôt riche de sens, de présence, d’amour. Riche, surtout, de ce qu’elle nous donne, tout au long de notre vie. Les sacrements, l’écoute, l’accompagnement. Pour l’Église, tout est gratuit, car sa présence dans la vie de ses fidèles tous les jours comme dans les grands moments n’a pas de prix. Elle a cependant un coût.

Et c’est pour cela que l’Église a besoin des dons des fidèles, qui devraient à leur tour le comprendre et accepter de contribuer généreusement à la vie matérielle et financière de l’Église. En réalité, ses seules ressources, ce sont justement les fidèles, dont la participation libre et volontaire exprime concrètement leur appartenance à la communauté ecclésiale et manifeste leur volonté de la faire vivre. Le Denier de culte est donc un véritable lieu de témoignage à ne pas négliger ou déconsidérer.

Enfin, il est bon de retenir que le taux fixé par les évêques, à savoir « participer à hauteur d’une journée de travail », est « un minimum que chacun aura à cœur de dépasser dans la mesure de ses possibilités ». C’est le lieu de saluer et d’encourager tous ces nombreux fidèles qui se passent de tout calcul pour donner généreusement et sans compter à l’Église.

Puissions-nous toujours donner selon notre cœur, avec la force que donnent la foi et l’espérance, à chaque fois que l’Église nous appelle. Amen.

Abbé Roger Gomis

Archidiocèse de Dakar

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