L’intelligence artificielle façonne notre monde à une vitesse vertigineuse, mais comment l’Afrique peut-elle tirer profit de cette révolution technologique tout en préservant son identité ? Dans une analyse perspicace du document « Antiqua et Nova » publié par le Vatican, le Père Stéphane N’guessan Amoikon, prêtre de la congrégation du Saint Sacrement et expert en cybersécurité, propose une réflexion profonde sur les enjeux éthiques de l’IA dans le contexte africain. De l’éducation à la santé, en passant par l’économie et la préservation des valeurs culturelles, cet article éclaire le chemin vers un développement technologique qui respecte la dignité humaine et s’enracine dans les traditions du continent. Une lecture essentielle pour comprendre comment l’Afrique peut relever le défi de l’IA tout en restant fidèle à ses valeurs fondamentales.
Analyse du document Antiqua et Nova dans une perspective africaine
Le document Antiqua et Nova, publié le 28 janvier 2025 conjointement par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi et celui de la Culture et l’Éducation, aborde les défis anthropologiques et éthiques posés par l’intelligence artificielle (IA). Son titre, qui signifie « Ancien et Nouveau », symbolise l’équilibre entre la sagesse traditionnelle de l’Église et les nouveaux défis technologiques. Il vise à donner un cadre éthique et théologique sur l’IA et ses implications pour l’humanité.
Ce document examine l’impact de l’IA dans divers domaines tels que l’éducation, l’économie, le travail, la santé, les relations humaines et la guerre. Il met en évidence les opportunités offertes par l’IA, tout en soulignant les risques potentiels, notamment la déshumanisation, la manipulation de l’information et les menaces pour la vie privée. Par exemple, l’utilisation de systèmes d’armes autonomes sans intervention humaine directe est qualifiée de « grave préoccupation éthique » (Antiqua et Nova, §55).
Comme le souligne Antiqua et Nova, « l’intelligence artificielle façonne profondément notre manière d’interagir avec le monde, et son développement doit toujours être guidé par la recherche du bien commun » (§18).
Cependant, face à ces défis, une question essentielle se pose : quelle place doit occuper l’éthique chrétienne dans cette révolution technologique ? Plus encore, comment l’Afrique peut-elle tirer profit de l’IA tout en préservant ses valeurs fondamentales ? L’objectif de ce document est donc de proposer une réflexion chrétienne sur les implications morales et sociales des nouvelles technologies.
Dans une perspective africaine, ce document offre des orientations précieuses pour le développement et l’utilisation éthique de l’IA sur le continent. Comme le souligne Antiqua et Nova, « toute avancée technologique doit être évaluée non seulement selon ses performances techniques, mais aussi selon ses implications morales et son impact sur la dignité humaine » (Antiqua et Nova, §12).
À ce propos, Saint Pierre-Julien Eymard nous rappelle que « Tout progrès doit être éclairé par la lumière de la foi, sinon il risque de nous éloigner de notre véritable mission » (Saint Pierre-Julien Eymard, Œuvres Complètes, Vol. II). Cette sagesse nous invite donc à examiner l’IA non seulement comme un outil, mais comme un défi spirituel et moral à relever avec discernement. Dans le contexte africain, où les avancées technologiques cohabitent avec des réalités socio-économiques contrastées, l’IA représente à la fois une opportunité et un risque. Son développement doit être orienté vers un progrès qui respecte la dignité humaine et s’enracine dans les valeurs culturelles et spirituelles du continent.
1. Impact de l’IA sur le travail et l’économie en Afrique
L’Afrique connaît une transformation numérique rapide, avec une adoption croissante des technologies de l’IA dans divers secteurs tels que l’agriculture, la santé et les services financiers. Cependant, Antiqua et Nova met en garde contre le risque que les travailleurs soient confinés à des tâches répétitives et surveillées, ce qui pourrait limiter leur développement professionnel et personnel.
Dans cette perspective, il est essentiel de comprendre que l’économie ne peut se limiter à une simple quête de productivité. En effet, comme le rappelle le document, « une économie qui exploite la technologie sans respecter la dignité du travailleur n’est pas une économie au service de l’homme, mais un système de domination » (Antiqua et Nova, §27). Pour l’Afrique, où la majorité de la population est très jeune, il est impératif que l’IA ne remplace pas la main- d’œuvre humaine, mais qu’elle soit utilisée pour améliorer les compétences et créer des opportunités d’emploi valorisantes.
Ainsi, au-delà des enjeux économiques, l’IA impacte également un domaine fondamental pour le développement de l’Afrique : l’éducation.
2. Éducation et développement des compétences
Le document souligne que l’IA peut entraver le développement de la pensée critique chez les étudiants si elle est mal utilisée. En Afrique, où l’accès à une éducation de qualité est un défi majeur, l’intégration de l’IA doit être pensée de manière à compléter l’enseignement humain.
À ce titre, la technologie doit être perçue comme un outil d’accompagnement et non comme un substitut à l’intelligence humaine. Antiqua et Nova insiste sur l’importance de « ne pas remplacer l’apprentissage humain par une dépendance aux algorithmes, mais de garantir une formation intégrale qui respecte l’intelligence et la liberté de la personne » (§39). Cela implique donc de former les éducateurs aux outils numériques et de s’assurer que les technologies utilisées respectent les contextes culturels locaux, tout en renforçant les capacités analytiques des apprenants.
Toutefois, l’IA ne se limite pas à l’économie et à l’éducation, elle touche aussi profondément l’identité culturelle des peuples.
3. Préservation des valeurs culturelles africaines
Antiqua et Nova met en garde contre une possible domination technocratique de la société, où de grandes entreprises pourraient exercer une influence sociale et politique significative. Antiqua et Nova souligne ainsi que « la technologie ne doit pas être un vecteur d’uniformisation culturelle qui efface les identités et les traditions des peuples » (§44).
Dans cette dynamique, il est fondamental que l’Afrique préserve sa richesse culturelle face à l’essor des nouvelles technologies. Ainsi, pour les sociétés africaines, riches en diversité culturelle et en traditions, il est crucial que l’adoption de l’IA ne conduise pas à l’érosion des valeurs et des identités culturelles. Les technologies doivent être adaptées pour respecter et promouvoir les patrimoines culturels africains, plutôt que de les marginaliser.
Dans cette perspective, une question essentielle se pose : comment garantir une gouvernance éthique et inclusive de l’IA pour qu’elle bénéficie à toute la société africaine ?
4. Gouvernance éthique et inclusive de l’IA
Le document appelle à une réflexion collective sur le développement de l’IA, afin qu’elle soit une bénédiction pour toute l’humanité. En Afrique, cela se traduit par la nécessité d’élaborer des politiques inclusives qui tiennent compte des réalités locales.
De ce fait, les décisions relatives aux orientations technologiques ne peuvent être laissées à la seule discrétion des grandes entreprises. Comme le rappelle Antiqua et Nova, « les décisions sur les orientations technologiques ne doivent pas être laissées aux seules grandes entreprises, mais doivent impliquer les gouvernements, la société civile et les communautés de foi » (§51). Il est donc impératif que les décideurs africains collaborent avec diverses parties prenantes, y compris les communautés religieuses, pour s’assurer que l’IA est développée et utilisée de manière éthique, en servant le bien commun et en réduisant les inégalités.
Ainsi, au-delà des implications politiques et économiques, l’IA modifie également profondément notre manière de vivre ensemble.
5. IA et relations humaines : un défi pour la fraternité et le dialogue
L’IA transforme profondément la manière dont les individus interagissent, influençant les relations humaines à travers les réseaux sociaux, les assistants virtuels et les algorithmes de recommandation. Si ces outils peuvent renforcer les connexions, Antiqua et Nova met en garde contre le risque d’isolement et de manipulation.
Le document souligne ainsi que « l’IA ne doit pas remplacer la richesse des relations humaines authentiques, mais être mise au service de la fraternité et du dialogue » (§30). En Afrique, où la communauté et la solidarité sont des piliers fondamentaux de la vie sociale, il est crucial que l’IA ne favorise pas un individualisme exacerbé, mais qu’elle contribue à renforcer les liens entre les personnes.
Par ailleurs, un autre domaine dans lequel l’IA a un impact majeur est celui de la santé, soulevant ainsi des questions bioéthiques essentielles.
6. IA et santé : progrès médical ou menace pour la dignité humaine ?
L’intelligence artificielle révolutionne le domaine de la santé, en améliorant le diagnostic médical, la recherche pharmaceutique et l’accès aux soins à distance. Cependant, elle soulève aussi des questions bioéthiques majeures. Antiqua et Nova met en garde contre « une médecine dominée par la logique des algorithmes, qui risque de réduire la personne malade à un simple ensemble de données » (§42).
En Afrique, où l’accès aux soins est parfois limité, l’IA pourrait être une opportunité pour pallier le manque de personnel médical qualifié. Cependant, il est essentiel que son utilisation respecte toujours la dignité du patient et ne remplace pas la relation humaine fondamentale entre le soignant et le malade.
En outre, l’IA joue un rôle de plus en plus inquiétant dans le domaine militaire, soulevant des préoccupations éthiques majeures.
7. IA et guerre : vers une humanité sous le contrôle des machines
L’un des aspects les plus préoccupants de l’intelligence artificielle est son utilisation dans le domaine militaire. Antiqua et Nova dénonce avec force « le développement d’armes autonomes capables de décider de la vie ou de la mort sans intervention humaine », soulignant qu’une telle avancée représente « une grave menace pour la paix et la dignité humaine » (§55).
L’Afrique, continent marqué par des conflits armés et des instabilités politiques, doit être particulièrement vigilante face aux risques liés à ces technologies. L’Église africaine a un rôle prophétique à jouer en appelant à une utilisation responsable des innovations militaires, fondée sur le respect de la vie et la promotion de la paix.
En définitive, après avoir exploré les multiples facettes de l’IA et ses implications pour l’Afrique, il est essentiel de dégager une vision équilibrée pour l’avenir.
Conclusion
L’intelligence artificielle, comme toute avancée humaine, doit être mise au service du bien et orientée vers une finalité qui respecte la dignité de la personne humaine. L’Eucharistie, « source et sommet de la vie chrétienne » (constitution dogmatique Lumen Gentium du Concile Vatican II, §11), nous rappelle que la véritable communion ne se trouve pas dans des connexions numériques, mais dans le don total de soi et la rencontre réelle avec l’autre. De la même manière, les technologies doivent être utilisées pour favoriser la fraternité et l’unité, et non pour accentuer les divisions et les inégalités.
L’intelligence artificielle, comme toute avancée humaine, doit être mise au service du bien et orientée vers une finalité qui respecte la dignité de la personne. Ainsi, nous trouvons dans l’Eucharistie un modèle de relation authentique, où le don de soi et la communion sont au centre. De la même manière, les technologies doivent être utilisées pour favoriser la fraternité et l’unité, et non pour accentuer les divisions et les inégalités.
En somme, Antiqua et Nova offre une base réflexive pour que les sociétés africaines abordent les défis et les opportunités présentés par l’intelligence artificielle. En intégrant les recommandations du document, l’Afrique peut aspirer à un avenir où la technologie et les valeurs humaines coexistent harmonieusement, favorisant un développement inclusif et respectueux des identités culturelles.
Dans cette optique, il convient de rappeler que l’innovation ne doit pas être dissociée de la justice sociale. Comme le souligne le document : « Le progrès technologique véritable ne peut se mesurer uniquement en termes d’efficacité, mais aussi en fonction de son impact sur la justice sociale, la fraternité et la dignité humaine » (§52).
Enfin, Saint Pierre-Julien Eymard nous enseigne aussi que » L’homme est fait pour le ciel ; il doit donc surnaturaliser toutes ses œuvres et les rapporter à Dieu » (Saint Pierre- Julien Eymard, Méditations Eucharistiques, II, 6). C’est donc avec cet équilibre entre technologie et spiritualité que l’Afrique pourra bâtir un avenir juste et harmonieux.
Père Stéphane N’guessan Amoikon, sss est prêtre de la congrégation du Saint Sacrement. Titulaire d’un master en droit financier et fiscal ; et détenteur de plusieurs certifications en cybersécurité et en intelligence artificielle, il est vicaire à la paroisse Sainte Germaine de Marsassoum, diocèse de Kolda en Casamance, Sénégal. Il prépare actuellement un master en droit du cyberespace africain à l’Université Gaston Berger de Saint Louis

Je pense que c’est une bonne réflexion mon père. Bonne continuation à vous
Formidable mon beau. Belle plume. Félicitations.
apres lecture je me doit de felicite le redacteur pour sa pertinance sur le sujet
j’ai aimer la pertinance du sujet