Sainte Marie-Madeleine ou une spiritualité de la résurrection

Abbé Raphael Séraphin NTAB

En cette fête de sainte Marie Madeleine, l’abbé Séraphin-Raphaël NTAB nous invite à une méditation profonde sur la spiritualité de la résurrection. À travers le prisme de cette figure biblique emblématique, il nous guide vers une redécouverte de notre foi, nous exhortant à devenir des témoins vivants de la lumière pascale dans un monde en quête de sens. Un voyage spirituel captivant qui nous rappelle la puissance transformatrice de la miséricorde divine et nous encourage à vivre pleinement notre vocation de ressuscités.

Il est bon, en ce jour où l’Église fête Sainte Marie-Madeleine, que nous redécouvrions cette figure insolite des saints évangiles qui, tirée des ténèbres du péché par la miséricorde divine, s’est laissé éblouir par la lumière transformatrice de la résurrection, dont elle sera, plus tard, un témoin privilégié. À revisiter sa vie, riche en signes et en symboles, l’on pourrait se laisser conduire, par elle, vers une spiritualité dite de la résurrection. Mais, qu’est-ce à dire une spiritualité de la résurrection ? Loin de toute spéculation, cette spiritualité de la résurrection reposerait  essentiellement sur quatre piliers, qui nous rappellent les quatre points cardinaux nécessaires à toute orientation. En plus clair, vivre la spiritualité de la résurrection, c’est s’éveiller à la résurrection, être une brèche de la résurrection dans le monde, être le sens du non-sens et laisser le Seigneur conduire la barque de nos vies. N’est-ce pas ce qui est constamment demandé au chrétien dans l’expression et le  déploiement de sa foi ?  

…s’éveiller à la résurrection

C’est chimérique que de vouloir vivre une spiritualité de la résurrection sans commencer par s’éveiller à un si grand mystère qui doit, partant, éveiller tous nos sens. Cela est d’autant plus vrai que le mystère de la résurrection ne nous touche pas véritablement sans nous transformer en profondeur et faire de nous les témoins brûlants et intrépides de cet évènement historique. S’éveiller à la résurrection consiste, donc, à sortir de notre torpeur et de nos divers tombeaux quotidiens (péché, addiction, obsession, traumatisme, peur, etc.) ; c’est oser le chemin de la conversion ; c’est être transparent de la lumière sainte provenant du tombeau, qui passe par tout notre être et débouche sur notre façon de croire, de nous voir, de voir les autres, de penser, de parler, de sentir et d’agir. S’éveiller à la résurrection, tel que nous l’enseigne la vie de Sainte Marie-Madeleine, pécheresse pardonnée, c’est consentir à être un « alléluia » au milieu de nos frères et sœurs, à la faveur de leurs diverses situations existentielles, tout en gardant à l’esprit que la lumière ne brille jamais pour elle-même, mais pour les autres, impliquant ainsi l’oubli de soi pour que l’autre grandisse. Il s’agit, bien entendu, d’un réel défi, si nous considérons le cri tantôt silencieux tantôt strident de notre ego, qui finit par nous happer et nous engloutir. S’éveiller à la résurrection, c’est savoir dire merci à Dieu et aux autres pour les petits bonheurs du quotidien ; c’est réaliser que Dieu, dans sa miséricorde infinie, ne nous fige pas, mais qu’il multiplie les occasions, pour nous, de grandir dans le sillage de son dessein d’amour pour l’humanité; c’est croire fermement que « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5); c’est se laisser transfigurer par la lumière de la résurrection et prendre activement sa part dans la construction d’un monde meilleur qui, bien que passant par nous, nous surpasse et nous dépasse.

… être une brèche de la résurrection dans le monde

Dans un monde où la vie de plus d’un est aux prises avec des questions sans réponses et des difficultés de toutes sortes, comment ne pas s’engager à être, si nous voulons vivre une spiritualité de la résurrection, une brèche de cette même résurrection dans le monde ? Ce me paraît une des exigences de notre temps. En effet, « l’imprévisibilité de l’avenir suscite des sentiments parfois contradictoires : de la confiance à la peur, de la sérénité au découragement, de la certitude au doute. Nous rencontrons souvent des personnes découragées qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur apporter le bonheur[1] ». Que faire, en hommes et femmes ressuscités, de tous ces frères et sœurs atterrés ou découragés de la vie ? Il devient évident que notre résurrection n’a véritablement de sens que lorsque, ressuscités par et dans le Christ, nous ressuscitons l’autre, nous ressuscitons avec l’autre, qui est en réalité un autre nous-mêmes. Sinon, nous comprimerions, consciemment ou inconsciemment, la lumière de la résurrection censée nous traverser, et que nul, s’il est honnête envers soi-même, ne devrait prétendre retenir ou enfermer. Voulant aller plus loin, je dirai qu’être une brèche de la résurrection dans le monde, c’est connaître et faire connaître le Crucifié-ressuscité ; c’est s’engager à être, au cœur-même des nombreuses contradictions de ce monde et des multiples raisons de désespérer, des  porteurs d’une joyeuse espérance pour tous.

…être le sens du non-sens

La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Cette question, qui monte de bien de cœurs  et de lèvres, ne nous est certainement pas étrangère. Il se pourrait même que nous en ayons souvent été les auteurs acharnés, au regard de nos douloureuses expériences (maladies, perte d’un être cher, incompréhensions, échecs, trahisons, blessures, déceptions, doutes, etc.). Être le sens du non-sens, c’est avoir une lecture chrétienne, réaliste, et non infantilisante, de toutes les situations de notre vie et de celle des autres. C’est voir, sans fatalisme, dans l’épreuve une semence de grâce, un terreau de croissance et de résurrection. C’est s’employer à voir, avec le cœur, ce que l’œil ne saurait voir ni percevoir. C’est ne pas se laisser écraser par les pesanteurs existentielles. C’est aussi se laisser illuminer et guider par les vertus théologales comme empreintes de Dieu en nous. Être le sens du non-sens, c’est œuvrer à inverser cette tendance humaine à se laisser écraser par son passé. C’est se convaincre qu’il existe, pour tout homme, un chemin de retour à Dieu. C’est, en définitive, donner à nos vies une saveur de ressuscités, sûrs de la réalisation, en temps opportun, des promesses de Dieu pour qui croit et espère en lui.

…laisser le Seigneur conduire la barque de nos vies

Il est très tentant de vouloir tout maîtriser. C’est même une propension humaine, qui n’est pas bien loin de nous. Osons l’avouer. Il est nécessaire, pour nous libérer de cette gangrène spirituelle et existentielle, que nous redécouvrions notre juste place dans le grand puzzle de notre vie et de celle des autres. « Nul n’est une île » et nul n’est le centre, non plus. Le centre, celui qui donne sens et consistance à tout, c’est Dieu qui, sans cesse, nous attire à lui, comme par aspiration, pour nous conduire, ensuite, vers les réalités essentielles, celles-là qui se tiennent bien au-delà de nos regards parfois tellement humains qu’ils nous font perdre de vue le sens ultime de notre existence terrestre : être de Dieu, en Dieu et avec les autres. C’est Dieu qui conduit la barque de nos vies, et non pas nous. La place qui nous revient est celle d’instruments dont le Seigneur use pour que la barque avance contre vents et marées. Voilà qui fait de nous des serviteurs, à l’image du Serviteur des serviteurs, Jésus Christ, des compagnons de route sur les chemins bigarrés de nos existences. Cela implique naturellement une docilité à l’action de l’Esprit Saint qui se fonde sur l’humilité dont Marie-Madeleine, pécheresse re-connue, aimée et pardonnée du Maître, a fait montre, nous rappelant ainsi que nos réussites sont celles de Dieu en nous et non le fruit de nos efforts personnelles qui, bien qu’utiles, sont, dans de nombreux cas, tellement dérisoires que nous devrions les évoquer avec la plus grande circonspection. Rappelons-nous ces paroles du Christ : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15, 5). Laisser le Seigneur conduire la barque de nos vies, c’est s’abandonner à lui, avec foi et confiance, sans jamais abandonner notre désir d’être en lui, avec lui et pour lui.

Que Sainte Marie-Madeleine, témoin privilégiée de la résurrection, et notre alliée sur nos routes quotidiennes de pécheurs pardonnés ou à pardonner, intercède pour nous. Amen.

Abbé Séraphin-Raphaël NTAB

Diocèse de Kolda


[1] François, Spes non confundit, 1.

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