Noël, une fête païenne ? A l’assaut des mensonges qui tentent de discréditer cette solennité de l’Église catholique (Fr Pierre-Marie Niang)

Il faut dire qu’avec la célébration de Noël, les années se suivent et se ressemblent véritablement. Puisque chaque année, il faut répéter les mêmes choses pour déconstruire les mêmes contre-vérités sciemment débitées et colportées sur Noël. Mais chaque année aussi, nous ne nous lassons pas de réfuter les mêmes mensonges mis en exergue pour discréditer cette solennité de notre sainte Mère l’Église.

Et pour mener ce travail de sape, nous n’avons pas trouvé meilleurs alliés que les Pères de l’Église. Nous nous référons aux Pères de l’Église parce que ces derniers ont déjà tout dit sur la doctrine chrétienne qu’ils ont passé en revue en long et en large. C’est donc avec eux que nous allons essayer de réfuter l’argument fallacieux selon lequel Noël serait une fête païenne.

Comme nous, les Pères de l’Église vivaient dans une période fortement marquée par le pluralisme religieux. Et la religion ambiante de leur époque était ce qu’on a appelé le paganisme. Dans une définition basique, le paganisme pourrait être compris comme une religion non juive. Et il faut signaler que dans le contexte actuel de la théologie catholique, on ne parle plus de « païen » mais d’homme de bonne volonté ou de religion traditionnelle. Ce bref essai de définition du paganisme méritait d’être signalé avant d’en venir au thème qui nous mobilise dans ce tout bref exposé sur Noël.

Dans leur volonté de « dépaganiser » la société en vue de la christianiser, les Pères vont recourir à une méthode très simple. Pour mieux expliciter cette méthode, voici ce que nous en dit Benjamin Sombel Sarr : « la prédication chrétienne, dans sa pédagogie, est une tentative de christianisation de la culture encore marquée par le paganisme. Si dans le discours, elle fustige les compromissions avec des pratiques du passé, elle use toutefois de finesse et de pédagogie dans sa praxis pastorale »[1]. Et le père Professeur Sarr de poursuivre : « le christianisme ne cherche pas à détruire les cultures païennes. Il essaie de les transformer progressivement en s’appuyant sur leurs modes de pensée et leurs structures sociales » [2]  diurnes, faudrait-il préciser. C’est dire que « les Pères avec beaucoup de pédagogie et d’imagination christianise les fêtes païennes » [3].

Et c’est bien ici que la réflexion du dominicain sénégalais sur les Pères devient intéressant. En rappelant que les Pères christianisent les fêtes païennes, il montre le procédé par lequel on entre dans une nouvelle ère qui n’est plus païenne, mais chrétienne[4]. C’est ainsi que le « dies natalis solis invictii » devient la nativité du Christ, vraie lumière du monde[5].

Autrement dit, le procédé méthodologique des Pères est très simple : ils « dépaganisent » en christianisant.  Désormais, il n’est plus question de la célébration du « jour de la naissance du soleil invaincu » (Dies natalis solis invictii )[6], il s’agit plutôt de célébrer le vrai Soleil de justice qui se lève sur le monde, Jésus-Christ[7]. Évidemment, il y a une grande différence entre la signification païenne et chrétienne de la même réalité. Si on ne le perçoit pas tout de suite, c’est qu’on n’est pas de bonne foi comme la plupart de ceux qui voudraient semer la confusion dans l’esprit des gens en affirmant de façon mensongère que Noël est une fête païenne.

C’est dire que : « le christianisme, à sa naissance, s’est mêlé aux civilisations qu’ils rencontraient avec leurs langues et leurs structures sociales »[8]. Il faut vraiment ignorer ce procédé méthodologique des Pères de l’Église pour oser verser dans des accusations et affirmations qui n’ont rien à voir avec la réalité.

L’Écriture est claire là-dessus, il n’est donc plus question du soleil déifié dans la mémoire de la naissance du Christ, il est plutôt question de la célébration de la lumière véritable du monde, Jésus vrai soleil de justice[9].

Par ailleurs, toujours dans la perspective de la critique de Noël, il est inutile de s’en prendre au sapin. Le sapin ne traduit que le caractère populaire de Noël. Il fait juste de Noël une fête inclusive qui transcende l’appartenance religieuse. Il en est de même pour le père Noël. Ce sont là, deux symboliques puissants de l’imaginaire « laïc » qui va avec Noël. Et c’est très heureux d’ailleurs qu’il en soit ainsi. Puisque, cela permet de faire de Noël la célébration de l’homme tout court. Vouloir ainsi critiquer Noël en s’en prenant au sapin ou au père Noël comme le font certains, c’est comme vouloir défoncer une porte déjà ouverte. Ces derniers feraient mieux de garder leur énergie pour autre chose. En effet, le vrai symbole de Noël, c’est la crèche. C’est bien elle qui souligne le caractère chrétien de Noël.

« O Orient[10], splendeur de la Lumière éternelle, Soleil de justice, venez, illuminez ceux qui sont assis dans les ténèbres et la nuit de la mort ».

Frère Pierre-Marie Niang, o.p.

[1] Cf. Benjamin Sombel Sarr, Théologie des Pères de l’Eglise et questions d’inculturation, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 33. Les implications de cette méthode patristique sont très claires. C’est pour soutenir qu’aucune culture n’est parfaite. Aucune culture n’est tombée du ciel. La perfection de telle ou telle culture qu’on veut nous faire croire aujourd’hui est un leurre. Toute culture est peccamineuse, c’est-à-dire marquée par le péché. C’est ce caractère peccamineux de chaque culture qui fait son côté nocturne. C’est donc ce côté nocturne qui a besoin d’être évangélisé. Et c’est ce que les Pères vont faire.

[2] Ibid., p. 33.

[3] Ibid., p. 33.

[4] C’est de cette transition que rend compte le Nouveau Testament plus particulièrement dans les épitres aux Romains et aux Galates. On passe du judaïsme au christianisme, on passe du Premier Testament au Dernier Testament. On passe de l’Ancienne Alliance à la Nouvelle et définitive alliance en Jésus-Christ. In fine, on passe de la culture à la foi. Col 2, 16 svt

[5] Jn 8, 12.

[6] Ici aussi il est bon de préciser le manque de justesse de la traduction du dimanche par ( Sunday ). L’étymologie exacte du dimanche, c’est bien le « premier jour de la semaine » exactement comme l’enseigne l’évangile. Et cela, l’arabe l’a bien compris. Pour dire dimanche en arabe, ce n’est pas diber ! « yom ihad » (premier jour) correspondant au jour de la résurrection accomplissement de l’incarnation du fils de Dieu dans notre histoire. En cela, Noël est bien la fête de la naissance de l’espérance dont est toujours porteur un jour nouveau symbolisé par le lever du Soleil.

[7] Beaucoup d’hymnes et de chants de Noël insistent sur cet aspect du Christ comme : Soleil levant, Aube Nouvelle, Clarté d’en haut, vrai Soleil, l’Orient, Semence de Lumière, Maître du Soleil, Soleil de justice, Lumière du monde, Étoile du matin, Lumière divine, son Jour va se lever, l’Éclat du Seigneur, Fais lever enfin le Jour.

[8] Cf. Benjamin Sombel Sarr, Théologie des Pères de l’Église et questions d’inculturation, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 33.

[9] Lc 1, 76-79 ; Jn 8, 12.

[10] Lc 1, 78.

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