DANSE DE PRÊTRE EN HABITS LITURGIQUES DANS L’EGLISE A LA MESSE

Contexte

Une vidéo récente sur le sujet évoqué en titre ci-haut, a soulevé un grand débat dans des Réseaux sociaux. Et le moins que l’on puisse dire est que ce débat risque d’être inopérant de par le pouvoir annihilant de la passion et du sentiment (pour ne pas dire du sentimentalisme). Les lignes qui suivent se veulent une simple contribution d’un fidèle laïc qui compte parmi ses motifs d’action de grâce la chance d’avoir fait de la sociologie, des sciences de l’éducation et de la théologie. Le respect strict de la double recommandation ci-dessous semble cependant indispensable pour une bonne exploitation des réflexions qui suivront :

  1. Visionner la vidéo en question ;
  2. Avoir une bible (Ancien Testament et Nouveau Testament avec soi en copie dure ou en version électronique (https://www.cerbafaso.org/textes/bioethique/bible_de_jerusalem.pdf).

Le lecteur de cette contribution gagnera à lire systématiquement les références et renvois indiqués.

  1. Référends en Église catholique

Toute réflexion dans ou sur l’Église, dès lors qu’elle se veut sérieuse, puise ses arguments dans deux principales sources : La  Révélation et la Tradition. Pour la  première, certains éléments sont dans la création et d’autres dans les Saintes Écritures (Bible). Quant à la seconde, elle concerne les faits et dires connus et observés dans l’Église depuis ses origines. Ce sont ces us et coutumes. Elle, la Tradition, est généralement entretenue par le Magistère, c.-à-d. le Ministère et les ministres attitrés en enseignement dans et par l’Église : Papes, Conciles, évêques et laïcs de compétences théologiques reconnues. Et chaque fois qu’il s’agira d’analyser un phénomène, chaque fois que l’Église aura à se prononcer sur un fait, nouveau ou de retour, ce sont ces outils d’analyse (Bible, et Magistère) qui seront déployés. Et tout fidèle chrétien, du Pape au catéchumène entré en Église) est invité à profiter de ce double éclairage. Alors, qu’en va-t-il de la « DANSE DE PRÊTRE EN HABITS LITURGIQUES DANS L’EGLISE A LA MESSE » ?

  1. Sources bibliques

Tous les théologiens évoquent une réalité évidente dans la Bible. C’est que notre Dieu est un grand pédagogue. Dès lors, quoi d’étonnant qu’il se révèle et révèle de façon progressive. Et tenir compte des contextes de certains enseignements bibliques est une exigence plus que salutaire. Pour ce qui nous préoccupe, reconnaissons d’abord que le dessein de Dieu sur l’homme (« nit » en wolof et  « o  kiin » en  sérère)  est  globalisant.  Il  concerne  tout  homme  et  tout  l’homme  et  son environnement (la création entière) : Mt 18, 12-14 ; Rm 8 19-22 ; Pape Saint Paul VI, encyclique

« Populorum progressio[1] » n° 14, pape François, encyclique « Laudato si[2]». Autant dire que l’entièreté de l’être humain est concernée dans le plan du salut en Jésus-Christ. Ainsi, tous les aspects de son être et de son vécu sont évoqués dans la Bible où la Parole de l’Eternel est une lampe sur les pas du croyant, une lumière sur sa route[3]. Et les Psaumes regorgent de cette révélation vécue en conviction et en liturgie (action de grâce, supplication etc…). L’homme  créé dans  sa  totalité  (corps,  âme  et  esprit)  par  un  Dieu  d’amour  doit conséquemment en retour utiliser toutes ces composantes complémentaires dans ses rapports avec Dieu. En tirer toutes les conséquences aboutit déjà au respect du corps, temple de Dieu, tabernacle[4]. Mais tout cela suppose un sens élevé du sacré, sens inné ou acquis par l’éducation. De là germera notre rapport avec tout ce qui touche au culte : les lieux, les moments et les outils. Juste quelques illustrations:

  1. Respect des objets sacrés tels que l’arche contenant les tables de la Loi[5]. La toucher irrespectueusement peut être source de mort (2 S 6, 1-7). Par contre, cohabiter avec elle avec respect est source de bénédiction (2 S 6, 12-1). La valeur de l’Arche donnera ainsi au Saint des saints[6]  dans le Temple de Jérusalem tout son pesant d’or et la crainte révérentielle qui en découla.
  2. Tout ce qui devait approcher ou participer au culte faisait l’objet de soins particuliers. Tel était le cas pour les vêtements des prêtres[7]. A cela répondaient les Lois relatives au pur et à l’impur (Lv 11 – 16) ainsi que la Loi de sainteté, particulièrement en Lv 21, 1 -10.
  3. Nos ancêtres dans la foi, les Juifs, usaient des éléments de leur environnement pour leurs actes de religion : sacrifices sanglants (« a sak a yeeq » en Sérère, « mbatu su xonq » en Wolof), Sacrifices non sanglants (blancs) faits avec des céréales généralement (en sérère : a sak a tan). Des éléments de leur culture étaient mis à contribution : Instruments de musique très variés, instruments à cordes, à vents à percussion etc. Les invites aux chants et à la danse en l’honneur de Dieu y étaient fréquentes : Ps 96, 1 ; Ps 98, 1 ; Ps 101, 1 ; Ps 105, 1-2. Ces invitations, loin d’être purement théoriques, étaient effectivement exécutées. David et toute la maison d’Israël ont dansé de toutes leurs forces devant l’Arche de Dieu : 2 S 6, 5. David dansait en tournoyant de toutes ses forces devant Dieu : 2 S 6, 14. Et face à la désapprobation de Mikal, sa femme, il donna des arguments dignes d’être relus : 2 S 6, 20-23. En outre, Saint Paul, apôtres des peuples non Juifs, nous a laissé parmi d’autres perles une recommandation applicable dans notre discussion : ph 4, 8 :

« Enfin, frères, tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper. »

Notons enfin, pour ceux qui veulent aller davantage en profondeur, en réponse à une forte recommandation de Saint Pierre[8], un article paru dans le journal La Croix[9] : La danse dans la Bible.

1è conclusion partielle : Le lieu de culte, les instruments utilisés  et les ministres qui  officient sont revêtus d’une sacralité hors du commun et du quotidien. Quand bien même ces officiants usent de faits et gestes rencontrés en dehors du culte, ceux-ci doivent revêtir une forme cherchant à se rapprocher le plus possible de la grandeur et de la dignité de l’Être adoré, même s’ils n’y parviennent jamais parfaitement…

  1. Le Magistère

Au 2è siècle de notre ère, un auteur anonyme nous a laissé un écrit qui aujourd’hui fait référence  dans  les  rapports  entre  les  chrétiens  et  le  monde.  Ce  document  est  connu  sous  la dénomination de « La lettre à Diognète[10] ». Des défenseurs de la foi, sur la base des saintes écritures ont à plusieurs occasions rappelé combien le fidèle doit rester vigilent pour conserver sa double identité. Il est Sel, intérieur à la nourriture qu’est la société, et Lumière, à l’instar d’un phare, extérieur à la réalité qu’elle a mission d’éclairer et dont elle assure la sécurité des usagers : Mt 5,

  1. Il y va de la réussite de sa vocation fondamentale, la vocation à la sainteté : Lv 19, 2 ; Mt 5, 48.

Plus proche de nous, le 2è concile œcuménique tenu au Vatican (Va II), de 1962 à 1965,  a surtout prié et cherché des moyens adaptés pour mieux dire aux hommes et femmes de notre Temps qui est Jésus Christ, quel est son message et comment le faire parvenir à toute l’humanité ? Dans ce cadre, des orientations ont été données dans plusieurs domaines dont la culture. Et dans leur sagesse reçue de l’Esprit Saint, les pères duc concile ont laissé aux conférences épiscopales et aux Églises locales  une  marge  de  manœuvre  qui  sauvegarde  l’unité  de  l’Église  sans  la  confondre  avec l’uniformité. Et tous ceux qui le veulent ont accès aux documents de Va II. Ils existent en copies dures et en versions électroniques. Je recommande particulièrement à ce propos la Constitution sur la sainte Liturgie « Sacrosanctum concilium[11] ».

Société d’une seule essence à deux natures, (divine par origine et humaine par composition), l’Église a bien voulu mettre au point un codex ou ensembles de lois pour donner un cadre juridique à son fonctionnement en conformité avec sa double nature. C’est le code du droit canon. Le livre portant ce nom n’est guère réservé à ceux parmi nous qui vivent une vocation consacrée. Tout laïc et même un non chrétien peuvent y accéder…Un bon nombre de ses articles ou canons portent sur la liturgie.

2è conclusion partielle : Dans les documents du Magistère ainsi évoqués, la voix est ouverte pour l’intégration des langues locales, des instruments de musiques traditionnels africains et des rites locaux. Mais y a-t-il des conditions ? Si l’on ne peut tout faire, est-ce qu’il existe des « balises de virages » ou des « garde-fous » ? Quid de la danse de ministres sacrés en fonction dans une église en célébration eucharistique ?

  1. Réponses argumentées et prudentes

 Au vu de tous les éléments qui précèdent, ma réponse à la question posée est :  « Oui mais… ». Je sais que les avis sont partagés à ce propos. Mais les arguments favorables à la danse pour Dieu sont bien là. Je  me demande cependant si ceux qui n’en sont pas convaincus ne seraient pas victimes d’une romanisation ou d’une européanisation qui ne disent pas leur nom. Mais, ils ont souvent des circonstances atténuantes. L’une d’elles est le souvenir encore récent de l’origine et même de la nature de certains éléments de notre culture. Cela expliquerait au moins en partie le refus à les utiliser à l’église. Le phénomène n’est pas nouveau. Beaucoup de nos aînés, des chrétiens de la première génération, ont eu à bouder des célébrations eucharistiques les premières fois que des tams-tams ont été utilisés par nos chorales. Bien avant nos tams-tams, en Europe, l’orgue a eu du mal à avoir droit de cité dans les églises. Les chrétiens n’en voulaient pas car c’était un instrument profane utilisé dans des lieux de meurs légères tels que les bars et les cabarets…En outre, un usage inapproprié de tel ou tel élément culturel (types de tam-tam, de mélodie, de danse) en augmente à l’exaspération des fidèles. Un manque d’étude approfondie de ces éléments fait que nous ignorons souvent que même en  milieu traditionnel  il  y  avait par exemple danse et danse. Le contexte (mariage, imposition du Nom au 8è jour, décès etc.), l’exécutant (un homme ou une femme, un vieux ou un dignitaire dansaient à leur  manière propre, de façon très digne. C’était le strict minimum à observer. Ferons-nous moins que cela en Église quand nous savons que nous avons dans toutes nos communautés chrétiennes des niveaux différenciés de formations culturelles et religieuses ? Avoir quelques principes de résolutions de problèmes peut aider au discernement indispensable. Lesquels ? Voyons-en quelques-uns.

  1. Quelques principes

4.1 – Approfondir la formation de tous.

Dieu lui-même s’est lamenté sur le sort de son peuple qui périt faute de connaissance : Os 4,6. Les moyens ne manquent pas. Malheureusement, beaucoup de catholiques n’en font pas encore une nécessité. La formation de la confirmation ne suffit  pas à l’adulte !

4.2 – Appliquer le processus biblique de règlement de conflit : Mt 18, 15-17.

Se parler directement, faire dans la prévention plus que dans le dénigrement améliorera certainement nos rapports en Église, entre fidèles, entre consacrés et entre les deux groupes…

4.3 – Souci de la charité envers les « faibles »

L’’auteur inspiré, Saint  Paul, usera  de  ce  principe  à  maints endroits  et  pour  divers destinataires ? Dans  sa  lettre  aux  romains : Rm  14,  1  – 21. Et  dans  sa  première lettre aux corinthiens au sujet des viandes immolées aux idoles : 1 Co 8. En définitive, Saint Paul nous laisse comme un postulat… : « Tout m’est permis mais ne tout m’est pas profitable –Sañnaa lép, waayé lép amalu ma njariñ » (1 Co 6, 12).

  1. Conclusion générale

Il est donc bien établi que la danse a bel et bien de la place dans la liturgie. Mais elle sera soignée ; digne, apte à élever l’âme des orants. En parler de façon sereine nous permet d’élargir nos regards et de voir plus large. Il s’agit de voir l’inculturation et ne pas la confondre avec la folklorisation. Même une procession, surtout sans monition explicative et justificative, peut selon les lieux et les publics provoquer des effets non désirés pires que des médicaments non adaptés. A titres d’exemples, de grandes jeunes filles ou des dames aux boucliers avant protubérants et aux pare-chocs arrières bien développés provoquent facilement des ondes de chocs dans certains milieux. Et les risques de dégâts  gagnent  en  coefficients  quand des  perles  sont  de la  partie. Quelle  image,  quelle représentation laissons-nous de notre sainte religion dans la tête des observateurs, surtout que nous avons de plus en plus des non chrétiens qui nous honorent et son honorés par l’assistance à nos grandes célébrations. Invoquer nos habitudes culturelles, c’est aussi respecter leur sens du sacré et, au besoin, les christianiser.

François Ngor Ndiaye

Fidèle laïc de l’archidiocèse de Dakar

Maître es-sciences de l’éducation

Titulaire du diplôme universitaire de Formateur d’adultes

Et du Baccalauréat canonique de Théologie

Consultant en éducation et suivi-évaluation

Fondateur-directeur de l’IFEXCEL[12]

[1] https://www.vatican.va/content/paul-vi/fr/encyclicals/documents/hf_p-vi_enc_26031967_populorum.html

[2] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-

si.html

[3] Ps 119, 105

[4] 1 Co 6, 19

[5]  http://www.interbible.org/interBible/decouverte/insolite/2012/insolite_120120.html

[6] 2 Ch 3, 8-13

[7] Ex 28, 1-39

[8] 1 P 3,15

[9] https://www.la-croix.com/Religion/Religion-et-spiritualite/danse-Bible-2018-06-29-1200951149

[10] https://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010522_diogneto_fr.htm

[11] https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19631204_sacrosanctum-

[12] Nous dispensons entre-autres des cours de développement de la mémoire pour retenir à vie des leçons, des références bibliques ou coraniques, des cours de bible etc. Les intéressés peuvent nous contacter.

1 commentaire

  1. Très intéressant. Je suis un jeune Chrétien qui s’intéressent à votre formation biblique et coranique. Mon nom c’est : Ambroise Marc Preira.
    Merci d’avance.

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