Les sacrements en 3 D : christologique, ecclésiale et anthropologique

Peut-on se dire pleinement chrétien et ne pas fréquenter les sacrements ? Cette question naît du constat que beaucoup confessent être chrétiens, alors qu’ils accordent très peu d’importance aux sacrements. Ont-ils vraiment compris la valeur des sacrements ? Réalisent-ils que les sacrements sont du Christ, de l’Église et de la foi des hommes et des femmes qui croient au Christ et à son Église1 ? Pour répondre à cette série d’interrogations, cette petite réflexion, au titre quelque peu provocateur, vient recentrer la réalité théologique du « sacrement » qui tient une place de choix dans notre foi. Les 3 Dimensions dont il est question, ici, offrent, chacune pour sa part et toutes ensemble, une vision précise des sacrements que nul ne saurait reléguer au second plan s’il est véritablement d’Église. Cependant, l’approche simple, mais pas simpliste, que j’en fais ne dit pas tout des sacrements qui nous introduisent au plus profond du mystère du Christ, de l’Église et de l’homme.

Les quelques lignes qui vont suivre se fonderont, pour l’essentiel, sur la définition que voici des sacrements : « Les sacrements sont des signes efficaces de la grâce, institués par le Christ et confiés à l’Église, par lesquels la vie divine nous est dispensée. Les rites visibles sous lesquels les sacrements sont célébrés, signifient et réalisent les grâces propres de chaque sacrement. Ils portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises2 ».

  1. Dimension christologique des sacrements :

 Les sacrements… sont institués par le Christ…

Les sacrements sont, d’abord, les sacrements du Christ. Ils sont à considérer dans le mystère du Christ, comme une extension voire un prolongement de sa vie terrestre. Voilà qui met en relief le caractère fondamental du mystère de l’Incarnation, dans la compréhension des sacrements. « Assis à la droite du Père et répandant l’Esprit Saint en son Corps qui est l’Église, le Christ agit désormais par les sacrements, institués par lui pour communiquer sa grâce3». C’est dire que les sacrements ne sauraient s’envisager en dehors du Christ. Sinon, ils seraient un enchaînement de signes, de paroles et de symboles purement humains et sans aucune portée sotériologique, c’est-à-dire vides de celui qui nous touche et nous sauve par eux : Jésus-Christ, médecin des âmes et des corps. Les sacrements tirent, donc, leur origine des faits et gestes de Jésus-Christ qui, durant sa mission terrestre, a parcouru bourgs et bourgades pardonnant les péchés, guérissant les malades, consolant les affligés, nourrissant les foules, etc. Ils sont donc le reflet de cette mission dont le mystère pascal vient dévoiler toute la portée : Christ né, mort, ressuscité et monté au ciel offre à l’homme, par la grâce de l’Esprit Paraclet, un avenir de sauvé. De ce fait, les sacrements sont le signe de l’actualité de la présence agissante du Christ au milieu de nous, après plus de deux mille ans d’histoire. C’est donc le Christ, lui-même, qui « est présent par sa puissance dans les sacrements4 ».

  1. Dimension ecclésiale des sacrements :

Les sacrements…sont confiés à l’Église…

Les sacrements sont, ensuite, les sacrements de l’Église qui est, elle-même, sacrement. Dans la Constitution Dogmatique Lumen Gentium, l’Église est mentionnée comme « sacrement universel du salut5 ». Cette dénomination de l’Église est essentielle. En effet, elle dit que l’Église est le sacrement de notre union avec Dieu. Avant d’être une société juridico-hiérarchique parfaite, elle est un sacrement, c’est-à-dire un signe et un instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. Désigner l’Église par « sacrement universel du salut » a deux implications majeures : l ‘Église est à la fois fruit du salut et instrument de salut. Cela signifie que l’Église est née du Christ et est le fruit du salut opéré par Lui ; qu’elle est porteuse du Christ et a pour mission de le faire connaître aux hommes. Il va sans dire que les sacrements sont à insérer dans le mystère de l’Église, qui est une continuation du Christ. Ils sont la manifestation, à travers l’Église, de l’amour de Dieu pour nous. Ils sont confiés à l’Église, particulièrement aux apôtres et à leurs successeurs, en tant qu’ils sont établis « intendants des mystères de Dieu6 » qui continue d’agir dans son Église par ses « chefs-d’œuvre » que sont les sacrements7. Les sacrements sont la main de Dieu dans le concret de nos vies.

  1. Dimension anthropologique des sacrements :

Les sacrements…portent fruit en ceux qui les reçoivent avec les dispositions requises.

Les sacrements sont, enfin, les sacrements de la foi des hommes et des femmes qui croient en Christ et à son Église. Ils sont des signes ou des symboles qui signifient et produisent l’amour de Dieu envers nous. Si, par exemple, un cadeau est un signe d’attention et d’amour qui éveille l’amour chez celui qui le reçoit, le sacrement est une réalité sacrée qui en manifeste une autre beaucoup plus grande. L’on peut, dès lors, comprendre le caractère fondamental des sacrements dans notre vie de chrétiens. Ils nous renvoient toujours à Jésus-Christ, manifestation, figure et révélateur du Père, en même tant qu’ils nous engagent dans une marche confiante avec lui, dans toutes les circonstances de nos vies. De plus, il faut préciser que le Christ s’est réservé le pouvoir d’être le ministre principal des sacrements. Ces derniers ne sont pas seulement administrés en son nom, mais par lui-même. En fait, c’est le Christ, présent dans son Église au cours des siècles, qui administre les sacrements à tous ceux et celles qui les reçoivent dans son Église. Il s’ensuit que les sacrements sont saints parce que c’est le Christ qui les a institués et que c’est lui-même qui les administre : « Baptisez Pierre, baptisez Paul, baptisez Judas : c’est le Christ qui baptise ». Car, le baptême est un : c’est le baptême du Christ. Ces clarifications, qui engagent notre foi, sont fondamentales qui pourraient aider l’un ou l’autre à mieux se situer face aux sacrements. Le rôle de l’Église, missionnaire par nature, est de porter le Christ aux hommes de tous les temps et de tous les peuples par la prédication de l’Évangile et la célébration des sacrements.

En définitive, parler des sacrements en 3D revient tout simplement à mettre en évidence le fait qu’ils se tiennent au carrefour de la rencontre entre le Christ, son Église et nous qui croyons. Par conséquent, être chrétien, c’est aussi croire que les sacrements ont été institués par le Christ (dimension christologique), qui les a confiés à son Église (dimension ecclésiale) pour que ses membres (dimension anthropologique) puissent les célébrer et en vivre en vue de leur salut.

Les sacrements nous rejoignent dans notre vie de chaque jour. Réconcilions-nous avec eux, afin de vivre pleinement notre foi en Jésus-Christ, Dieu fait homme pour nous sauver.

Abbé Séraphin-Raphaël NTAB

Diocèse de Kolda

Professeur de Théologie Dogmatique

1 Cf. Mt 16, 18.

2 Catéchisme de l’Église Catholique (CEC), 1131.

3 CEC, 1084.

4 Constitution sur la Sainte Liturgie, Sacrosanctum Concilium, 7.

5 Lumen Gentium, 48.

6 1 Co, 2, 4.

7 Cf. CEC, 1116.

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