La RTS 1, ma télé, notre télé ?

Après avoir constaté la non diffusion de l’émission religieuse catholique hebdomadaire, « Le Jour du Seigneur », sur la RTS, dimanche 24 mai 2020, le prêtre dominicain, le Frère Pierre-Marie Niang proteste : « Depuis plusieurs décennies que nous regardons la télévision nationale, je dois confesser avec absolution bien sûr, que les chrétiens ne sont pas pris en considération dans notre chaîne nationale. Et je trouve ça bien dommage ». Fidespost vous propose l’intégralité de sa tribune.

J’aurais bien voulu me rendre à cette évidence, mais hélas. Il semble que, de par notre appartenance religieuse, les programmes qui nous concernent, je veux parler du « Jour du Seigneur » en particulier, ne sont pas prioritaires. En effet, en cas de situation exceptionnelle comme c’était le cas ce dimanche 24 mai 2020, jour de Korité pour mes parents musulmans, il n’y a pas de télévision pour nous.

Je dis bien « parents musulmans », parce que c’est plus que la réalité. En effet, malgré notre statut de prêtre catholique, nous avons de solides liens de parentés avec les musulmans. Des liens de sang que nous aurions pu développer ici de long en large dans ces lignes pour nous en glorifier. Et je suis sûr que beaucoup de sénégalais pourraient en dire autant sur cette dimension interreligieuse de leurs familles biologiques. En tout cas, une grande majorité.

Me fondant alors, sur cette réalité sociologique intangible et en lien avec notre antique tradition de la « parenté à plaisanterie »1, je reste convaincu qu’on devrait nous traiter, nous communauté chrétienne, avec déférence et considération. Car, en se fondant sur ces liens solides que je viens d’évoquer, on allait avoir l’élégance de faire passer les « Niang » devant les « Ndoye ». Ces derniers nous auraient supplié de passer en premier. Ils auraient donc programmé le « Jour du Seigneur » à midi pile pour leur roi « Nianguenne » que nous sommes. Mais non, comme à l’accoutumé, ils ne l’ont pas fait. Ils ne l’ont jamais fait d’ailleurs.

Hélas, à chaque fois que ces genres de situations se présentent, on ne réfléchit même pas, on fait sauter purement et simplement, le programme catholique. Et bien jusqu’à quand ? Nous n’aurions pas dit mot ni écrit une seule lettre si cette posture était celles des chaines privées de la place. Et même là.

Cette lettre ouverte protestataire adressée aux responsables de la chaîne publique, est un prétexte donc pour nous interroger avec eux sur ces déprogrammations intempestives qui ressemblent fort bien à du mépris à l’endroit de toute une communauté. En effet, comment une petite heure qui nous est consacrée en termes de programme à la télévision publique peut sauter comme par magie ? Depuis plusieurs décennies que nous regardons la télévision nationale, je dois confesser avec absolution bien sûr, que les chrétiens ne sont pas pris en considération dans notre chaine nationale2. Et je trouve ça bien dommage.

En signalant ces faits plus que récurrents, au point que beaucoup ce sont résignés à cet état de fait, nous ne sommes pas en train d’attirer la pitié encore moins la compassion de la part de nos compatriotes. Nous ne versons en rien dans la plainte et la complainte stérile comme nous savons si bien le faire. Non, loin de là.

Nous sommes en train plutôt de mettre des mots sur les maux dont nous sommes victimes, nous chrétiens du pays de Cheikh Anta Diop. Oui, le fait intangible est qu’il y a un manque de considération doublée d’une légèreté indicible dans le traitement de l’information catholique par certains agents du service public en particulier

En lien avec cette situation qui a toujours existé et que nous dénonçons, quelqu’un me disait que cette attitude est justifiée par le fait qu’ils ne seront jamais inquiétés ou sermonnés lorsqu’ils se permettent de telles attitudes inélégantes et désobligeantes.

Évidemment, ces « professionnels » de la déprogrammation savent qu’aucun téléphone ne va sonner pour protester contre la déprogrammation injustifiée du « Jour du Seigneur ». D’ailleurs, le téléphone ne sonnera jamais pour cela. Néanmoins, ces lignes valent plus que des milliers de coups de file. Elles valent plus que des milliers de SMS pour rappeler l’oubli du « Jour du Seigneur ». Ces lignes valent plus qu’une marche de protester devant les grilles de la RTS. Ces lignes qui sont un « coup de bouche » de notre part, veulent interpeller et prendre l’opinion publique à témoin, sur de pareils désagréments que nous infligent régulièrement ceux qui sont censé être les garants du service public. (Qu’on ne vienne pas me dire qu’il l’on diffusé après. C’est du pareil au même).

Dès lors, face à cette récurrence de désapprobations auxquelles nous a habitué notre télé malgré tout, notre seule consolation est que de par notre engagement ferme comme nous le faisons à travers ses lignes, nous arriverons à faire bouger les choses, inchallah !

En effet, dans la droite ligne de ce que nous écrivions sur la nécessité de l’engagement des catholiques, nous réitérons ici encore, cet appel en toute humilité. C’est bien le moment favorable comme le temps du salut. Ce salut passe par la fin des tergiversations et autres atermoiements qui nous empêchent de nous engager en nous donnant mille excuses que je ne détaillerais pas ici.

Enfin, nous pouvons dire à l’endroit de ceux qui voudront s’engager : croyez-le, vous aurez le soutien attendu, désiré et souhaité : vous pouvez compter avant tout sur le Saint Esprit de Dieu et tout le reste vous sera donné de surcroit. Bien aimé, et si ce temps du Cénacle qui nous conduit à la Pentecôte devait sceller définitivement cet engagement si nécessaire ? C’est notre souhait le plus cher. Puisse l’Esprit de Pentecôte reposer sur nous, qu’Il nous consacre dans la Vérité, lui qui nous envoie hors des murs de l’Eglise proclamer la paix et la joie Dieu.

Frère Pierre-Marie Niang, o.p.

1 Le Kal en wolof.

2 Voir Pierre-Paul Missehougbe, Médias et laïcité au Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2014.

7 commentaires

  1. Merci Fr P.M.Niang. les médias sont des vecteurs de paix sociale. Et dans un pays comme le nôtre c’est dommage que dans la RTS en arrive à oublier son rôle dans l’unité et l’équilibre sociales.

  2. Très bien dit et pure vérite. Il est temps que l’on s’engage et lutte pour notre respect et considération. Bravo, Père Pierre Marie.

  3. Cela n’est pas nouveau. J’avais reçu un questionnaire sur Facebook pour un projet de télé catholique. C’est ce qu’il nous fallait faire depuis longtemps. La situation aujourd’hui montre la nécessité de la chose mais les premiers qui sont sensés impulser la réalisation de ce projet restent muets. Pire, on ne les vois pas appuyer ces chers jeûnes qui tentent d’améliorer la situation avec leurs maigres moyens.
    J’ai bien peur que la seule réponse qu’on peut obtenir de cette chère RTS c’est un petit communiqué… Si jamais ils nous entendent.

  4. Nom de Dieu ! Qu’ attendons nous pour mettre en place une télé chrétienne généraliste et arrêter de toujours devoir nous plaindre ? Le problème c est notre communauté. A quand la prochaine lettre de protestation ? A la Tabaski ?

  5. Eh malheureusement. Nous l’avons à l’interne regretté. Les inégalités dans le traitement des citoyens il y’a de tout bord, de tout genre. Si nos décideurs n’en tiennent pas compte Dieu le tiendra pour lié comme il l’a dit… Merci à vous qui êtes au premier rang. Merci et courage. la RTS notre télévision nationale.

  6. Ce n’est hélas pas la première fois. Une année ils ont zappé le pèlerinage national de Poponguine. Prétexte : les autorités religieuses ne les avaient pas contactés, n’importe quoi ignoraient ils la date du pèlerinage ? J’en doute. Pèlerinage national pourquoi la télévision nationale attend elle d’être contacter pour ce qui se fait chaque année ? Où sont calepins? Manque de considération et discrimination.

  7. Merci Frère P.M.NIANG. vous avez parfaitement raison. Avec cet appel, pour ne pas dire Cri Du Cœur, il est Grand Temps de remédier à ces manquements. J’espère que les réactions des lecteurs de votre communication seront un déclic. Bonne continuation.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *