Pandémie du Covid19 : Et Dieu dans tout cela ?

La personne humaine en tant qu’être de raison se questionne continuellement sur sa vie et ce qui l’affecte. Quand elle est éprouvée ou atteinte dans son être comme dans son corps et qu’elle éprouve une limite dans son entendement, les questions qui l’habitent sont nombreuses et diverses. Ces questions peuvent pointer en dernier ressort un doigt accusateur au Tout-Autre.


En fait, les questions majeures que la personne pensante se pose dans des moments difficiles ne sont pas généralement dépourvues de sens. Elles sont d’ailleurs un cri parfois étouffé qui portent des préoccupations existentielles et révélatrices. Ces questions traduisent bien la nature humaine fragile et révèlent la quête réelle d’une vie bienheureuse qui habite les cœurs. Cette vie meilleure fait partie de sa vocation humaine à se réaliser dans le bonheur. Lorsqu’elle sort dans ce cadre harmonique qui lui offre la vie en plénitude, elle se perd et se désoriente. Parce que s’éloigner de la fin pour laquelle elle a été créée ternie l’image foncière qui est en elle. Cet éloignement est appelé péché.


La personne humaine est créée par Dieu et fait pour Dieu. Ainsi sa vie s’accomplit quand elle garde et nourrit sa relation à Dieu. Si elle sort de cette relation de grâce, le mal la corrompt et elle tombe dans la disgrâce, le péché. C’est ce que pourrait-on appeler le « chaos anthropologique ». C’est à-dire sa propre ruine, parce qu’elle n’est plus en harmonie avec son identité et sa vocation. En ce sens Saint Augustin disait que : «  Tu nous as fait Seigneur et notre cœur ne peut trouver de repos tant qu’il ne demeure en toi ». (Cf. Confessions I, 1)


Si nous assistons aujourd’hui à un monde où règne le fratricide, l’injustice, l’avidité matérialiste, l’égoïsme, l’anthropocentrisme, le libertinage, l’indifférence, qui affectent l’humanité, et lui laissent d’innombrables et d’inimaginables maux. C’est parce que sûrement la personne humaine veut s’éloigner de toute tutelle divine. Elle est d’autant orgueilleuse, qu’elle a une prétention divine. Bref, elle a la prétention de substituer Dieu, voire le dépasser.


Cet état de fait suscite des interrogations sur la situation de la personne humaine aujourd’hui, qui face à sa vulnérabilité est affectée dans sa fragilité. Ce qui lui arrive serait-il une punition ou une sentence de la Divinité sur sa créature ?


D’emblée nous dirons que la personne humaine a le devoir d’assumer sa responsabilité de s’assumer en toute liberté face aux maux qu’elle subit. Elle est face à la pandémie, la famine, les désastres écologiques, les guerres interminables, les mensonges politiques etc. Dotée de la capacité à discerner entre l’action moralement bonne ou l’action moralement mauvaise, la personne humaine a le devoir de se poser de bonnes questions. Car elle est cet «  être qui se pose toutes les questions et même la question du pourquoi de ces questions », soulignait le théologien français Bernard SESBOUE (Cf. L’homme merveille de Dieu, p.13). A ces questions, la personne humaine a le devoir d’y donner des réponses en menant des actions concrètes qui la ramène à son Dieu. C’est ainsi que nous pouvons voir dans l’A.T les fils d’Israël sans cesse s’interrogeaient sur les sorts qui leur arrivaient, et parvenaient à méditer surtout les événements auxquels ils étaient confrontés pour donner une réponse de foi et se renouveler dans la fidélité à Alliance. C’est dans cet élan qu’on peut écouter le psalmiste dire : « Nos fautes ont dominé sur nous : toi tu les pardonnes. Heureux ton invité ton élu : il habite ta demeure » (Ps 64). Aussi, le Roi David, avec humilité et examen personnel reconnaissait et confessait le mal qui venait de lui en ces termes « Pitié mon Dieu pour moi dans ton amour selon ta grande miséricorde efface mon péché, lave moi toute entier de ma faute, purifie mon offense ». (Ps. 50, 1)


Le N.T nous livre un bon nombre de situations de retour au Seigneur. Retenons ici l’épisode de l’enfant prodigue qui reconnait sa faute et son acte peccamineux et prend l’engagement de retourner vers son Père en disant : Je vais retourner chez mon Père et je lui dirai : Père j’ai péché contre toi et contre le ciel. » (Lc15, 18). Est-ce que Dieu qui fait du mal à l’homme, sa merveille, ou c’est l’homme lui-même qui se créé son propre mal ? Aujourd’hui notre siècle vit un temps inquiétant et dramatique qui va jusqu’à écorner l’image de Dieu. Et des voix s’élèvent et interrogent Dieu à qui l’on a tendance à imputer ces situations. Mais quelles sont finalement les questions que la personne humaine se pose à elle-même ?  Et Dieu dans tout cela ?


Les événements douloureux ou joyeux sont à lire, à interpréter et à méditer à lumière de l’Evangile pour aboutir à une réponse de foi et à une profession de foi renouvelée, qui nous ouvre et nous confirme dans l’Espérance. Il nous faut mener une herméneutique d’actualisation de la parole de Dieu face à ce que nous vivons. Le penseur suisse Carl Gustav JUNG disait que : les crises, les bouleversements et les maladies ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations et expérimenter un autre chemin de vie.


A la personne humaine, en tant que être fini de se ressaisir, de penser son monde, d’évaluer sa vie et ses rapports, d’interroger sur la question du mal qui le ronge, pour se renouveler dans sa marche vers sa destinée : la vie bienheureuse qui constitue sa soif fondamentale. Dès lors se pose pour lui, la question de la liberté et de la grâce.


La question du mal peut être posée à Dieu certes, mais elle peut être renvoyée à la personne humaine qui a une responsabilité face à ce qui lui arrive. Sur cela, nous voulons dire quelque chose à propos de la fausse image de Dieu qu’on peut se faire en ce moment de calamité mondiale et de lamentations. Le Dieu de la Révélation Chrétienne, tel que nous l’a manifesté le Christ, est amour, Dieu est amour. (1Jn4, 8). C’est par amour, qu’il a créé la personne humaine. Il vit en relation, Père, Fils, Esprit, la Trinité, mystère d’amour. Il est vie, communion, amour, comme le souligne Leonardo de BOFF dans son traité sur la Trinité (Trinité et société). Il ne peut donc pas être non-amour, c’est-à-dire un Dieu qui infligerait des peines à cause de nos fautes, qui fait le malheur, qui condamne et qui impose ses lois. Sa toute-puissance est toute puissance- d’amour, sa faiblesse réside dans sa miséricorde, qui est une autre image de son amour infini. C’est la raison pour laquelle, il est obligé à se rabaisser, prenant la condition de l’homme excepté la peccabilité et à se donner pour nous jusqu’à l’extrémité, la croix (Ph 2,6-11) : ayant aimé les siens il les aima jusqu’au bout ! » (Jn, 13 ,1-15). Dieu a créé l’homme par grâce pour le Salut, et non pour le détruire, cet acte d’amour du Père est manifesté dans l’œuvre salvifique que le Christ Jésus a accomplie : « Qu’il soit béni le Dieu et Père qui nous a bénis et comblés de bénédictions dans l’Esprit, au ciel dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ avant que le monde fût crée pour être saints et sans péchés devant sa face grâce à son amour ». (Eph1, 3-10).


La personne humaine est appelée à repenser et à reconstruire son humanité pour l’ordonner à la vision aimante de Dieu, dans la logique de la relation de grâce entre Créateur et créature. Seule condition qui oriente le sens de son existence, qui lui fait découvrir son identité profonde et sa vocation ultime. La personne est appelée à être humaine et Dieu, Dieu ! Le chrétien est appelé ainsi au cœur des événements du monde à entrer dans l’Espérance, pour être porteurs d’Espérance, vertu théologale qui nous accède au monde Dieu. «  Heureux qui cherche Dieu de tout son cœur et marche dans sa loi » (Ps118, 2)

Jules Joseph Diédhiou, OMI

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