La journée du lundi 21 octobre 2024 a marqué l’ouverture officielle de l’Institut Supérieur François Libermann (ISFL) de Sébikhotane au Sénégal. Pour cette occasion solennelle, l’abbé Marcel Birame Mbengue, docteur en théologie fondamentale et en même temps philosophe, a prononcé une leçon inaugurale intitulée « De la nécessité de penser, de bien penser et de donner à penser ». Dans une communication riche et profonde, il a rappelé l’importance cruciale de la réflexion théologique pour l’Église catholique du Sénégal et au-delà. une leçon adressée aux futurs prêtres, aux prêtres, aux théologiens et aux fidèles catholiques, les invitant à approfondir leur foi par une pensée rigoureuse et ouverte.
L’ISFL : un nouveau lieu de formation théologique au Sénégal
L’Institut Supérieur François Libermann représente une étape importante pour l’Église catholique sénégalaise. Situé au grand séminaire de Sébikhotane, il a pour vocation de former les futurs prêtres et théologiens du pays. Son ouverture répond à un besoin crucial de développer la réflexion théologique dans le contexte sénégalais.
L’abbé Mbengue a souligné l’ambition de l’ISFL : « L’intuition de base de l’ISFL, j’ose le croire, c’est bien sûr de donner à notre Église une génération nouvelle de penseurs : formés chez nous, par des enseignants de chez nous, au service de notre peuple, mais aussi au service de l’Église universelle. »
Cette nouvelle institution vise donc à : former des théologiens sénégalais de haut niveau ; développer une pensée théologique adaptée au contexte local et contribuer au rayonnement de l’Église catholique sénégalaise
L’ISFL se veut donc un lieu d’excellence intellectuelle et spirituelle, alliant rigueur académique et enracinement dans la foi.
Penser : une exigence fondamentale en théologie
Dans sa leçon inaugurale, l’abbé Mbengue a insisté sur la nécessité absolue de la réflexion en théologie. Il affirme : « Nous devons penser ; c’est une exigence du théologien et il ne peut et ne doit, pour aucune raison, en être autrement. »
Cette exigence de pensée se décline en plusieurs aspects :
Une pensée rigoureuse et dynamique
Le théologien doit faire preuve d’une grande rigueur intellectuelle. L’abbé Mbengue rappelle que « la théologie – précisément catholique – qui voudrait être la fibre principale de notre Maison de formation et d’humanisation, n’admet de façon intrinsèque comme extrinsèque aucune forme de dilettantisme. Elle est ferme, rigoureuse, sérieuse, dynamique, claire et doit être prise comme telle. »
Cette rigueur s’accompagne d’un dynamisme constant. La pensée théologique ne peut se figer, elle doit sans cesse progresser et s’approfondir.
Une pensée ouverte et universelle
Tout en s’enracinant dans le contexte sénégalais, la réflexion théologique doit s’ouvrir à l’universel. L’abbé Mbengue met en garde : « il ne faut surtout pas nous laisser confiner dans les contours d’une pensée qui se veut uniquement sénégalaise et africaine. Notre pensée doit sans cesse bouger ; elle doit sans cesse s’ouvrir à la dimension universelle si elle veut répondre aux demandes des hommes et femmes de notre temps, si elle veut demeurer crédible, si elle veut rester « catholique». »
Cette ouverture implique un dialogue avec les autres traditions théologiques, notamment orientales, ainsi qu’avec la culture contemporaine.
Une pensée ancrée dans la foi
Si la rigueur intellectuelle est indispensable, l’abbé Mbengue rappelle que la théologie reste fondamentalement une démarche de foi. Il cite Hans Urs von Balthasar et sa notion de « théologie à genoux », soulignant l’importance de la prière et de la contemplation dans la réflexion théologique.
Bien penser : allier rigueur intellectuelle et profondeur spirituelle
Au-delà de la simple activité intellectuelle, l’abbé Mbengue insiste sur la nécessité de « bien penser » en théologie. Cette exigence se traduit par plusieurs aspects :
Unir foi et raison
La théologie catholique se caractérise par l’union harmonieuse entre foi et raison. L’abbé Mbengue rappelle : « foi et raison sont parfaitement compatibles. Elles vont de pair parce que bien évidemment l’intelligence humaine, limitée en soi surtout face au mystère de la Révélation, a besoin d’être soutenue pour aller plus loin dans sa recherche de Dieu. » Cette union permet d’approfondir la compréhension des mystères de la foi tout en restant fidèle à la Révélation.
Cultiver l’humilité intellectuelle
Face au mystère de Dieu, le théologien doit faire preuve d’humilité. L’abbé Mbengue cite saint Grégoire de Nysse : « tout concept formé par l’entendement pour essayer d’atteindre et de cerner la nature divine ne réussit qu’à façonner une idole de Dieu, non à le faire connaître. »
Le conférencier invite à redécouvrir la richesse de la théologie apophatique ou négative, qui reconnaît les limites de la raison face au mystère divin. Cette approche permet de garder une attitude d’humilité et d’ouverture dans la recherche théologique. Cette humilité n’est pas un renoncement à la pensée, mais une ouverture à la transcendance divine qui dépasse toujours nos concepts.
Intégrer la dimension mystique
Pour « bien penser » en théologie, il faut intégrer la dimension mystique et contemplative. L’abbé Mbengue insiste : « Le propre de la raison humaine face aux réalités divines et éternelles, c’est d’être clairement saturée et dépassée ; d’où l’importance de faire de la théologie, d’abord et avant tout, une démarche intérieure, une activité contemplative. »
Cette dimension mystique permet d’éviter une approche purement intellectuelle et désincarnée de la théologie.
Donner à penser : une théologie au service de l’Église et du monde
Enfin, l’abbé Mbengue souligne que la théologie ne doit pas rester confinée dans les cercles académiques. Elle doit « donner à penser » à l’ensemble de l’Église et de la société.
Une théologie incarnée
La réflexion théologique doit prendre en compte les réalités concrètes du peuple de Dieu. L’abbé Mbengue affirme : « il va falloir ‘incarner’ notre théologie. […] il est clairement urgent de penser en tenant compte du vécu du sénégalais qui est notre première cible. »
Cette incarnation implique d’aborder des questions concrètes comme le chômage, la migration, ou encore les défis pastoraux de l’Église au Sénégal.
Un dialogue avec l’islam
Dans un pays majoritairement musulman comme le Sénégal, le conférencier souligne l’importance cruciale de développer une théologie du dialogue islamo-chrétien. Il s’étonne que le pays, souvent cité en exemple pour sa cohabitation religieuse harmonieuse, ne soit pas encore leader en matière de réflexion théologique sur cette thématique.
Une parole prophétique
La théologie doit aussi oser une parole prophétique dans la société. L’abbé Mbengue encourage les théologiens à « interpeller un public bien plus large » et à « participer à éduquer la conscience de tout un peuple en l’interpellant, en l’amenant à se poser les bonnes questions et en le poussant à faire des choix judicieux. »
Un appel à l’engagement théologique
En conclusion de sa leçon inaugurale, l’abbé Marcel Birame Mbengue lance un vibrant appel aux théologiens sénégalais : « Théologiens sénégalais, réveillons-nous, car comme au soir de l’accueil de l’enfant prodigue (Lc 15, 11-32), la théologie ressemble de nos jours à une fête grandiose qui bat son plein. »
Cette leçon inaugurale pose les bases d’une réflexion théologique rigoureuse, spirituelle et engagée pour l’ISFL. Elle invite les futurs prêtres, les prêtres, les théologiens et les fidèles catholiques à approfondir leur foi par une pensée exigeante et ouverte. Suivons de près les futures publications et conférences de l’ISFL, qui s’annoncent comme un lieu privilégié de réflexion théologique au Sénégal.
Fidespost

Merci 1000 fois abbé. Cette question de la théologie à la sénégalaise est très actuelle.
Oú pourrons nous trouver les prochaines publications de ISFL ?
Merci pour la réflexion profonde de Monsieur l’Abbé Marcel Birame Mbengue a l’occasion de la leçon inaugurale de l’institut Supérieur François Lieberman(ISFL). Cette leçon inaugurale de par son thème, nous exhorte, nous laïque, a une foi approfondie afin d’être de véritables témoin de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. « De la nécessité de penser, de bien penser et de donner a penser »: un thème qui peut être sera reproduit devant d’autres audiences pour en faire bénéficier au peuple de Dieu. Bon vent Monsieur l’Abbé.
J’ai pas fini de lire, mais c’est riche !
J’ouvre ma pensée.
Cette nourriture spirituelle est un fin repas consistant. J´ai noté plus particulièrement les idées novatrices : S´ouvrir à la dimension universelle ; Développer le dialogue islamo-chretien, (Le Pape François à donné l´exemple. En quittant Marseille il a conseillé « Lisez le Coran » ! Appel à l´engagement théologique. On attend la suite avec impatience !