Cinéma et foi : l’appel à l’action de l’abbé Do Trinitatis


Dans une lettre ouverte passionnée, l’abbé Do Trinitatis interpelle les acteurs chrétiens sur leur rôle et leur responsabilité dans le monde du cinéma. Mêlant réflexions philosophiques, enseignements de l’Église et conseils pratiques, ce prêtre-étudiant en Sciences de l’Information et de la Communication lance un appel vibrant : celui d’un cinéma renouvelé par des artistes fidèles à leur foi, capables de concilier exigences artistiques et valeurs chrétiennes. Un plaidoyer éclairant qui questionne la place de l’éthique dans le 7e art.

Lettre ouverte à tous les acteurs chrétiens du Sénégal et d’ailleurs, et à toutes les personnes de bonne volonté

Suite à la publication d’une vidéo, dans laquelle je dénonçais une séquence impliquant un acteur chrétien, et que je trouvais indigne de lui, j’ai dû, après lecture de plusieurs réactions, me mettre à l’évidence que l’enseignement de l’Eglise en matière d’éthique a fort intérêt à numéroter ses abattis puisqu’il devient de plus en plus dangereux aujourd’hui, même pour un prêtre, de dénoncer des faits opposés aux principes non pas seulement de l’Evangile mais de la bienséance d’abord, sans se faire taxer de « juge » ou « d’hypocrite », termes dont les usagers ne semblent pas mesurer l’ABC du sens profond.  Cependant, dans l’Eglise, les grands débats sont toujours sources de progrès ; en attestent les différents conciles qui ont été tenus dans l’histoire, depuis celui de Jérusalem jusqu’à Vatican II. J’ai donc simplement profité de l’occasion qui m’a été offerte pour me pencher sur un feu sous cendres tel que se présente ce sujet : « Etre acteur chrétien dans le milieu du cinéma. »

Sans crainte de me brûler les ailes par la chaleur de ce sujet plus qu’actuel et factuel qu’est le cinéma et l’implication chrétienne progressive mais hélas, peu accompagnée, j’essaierai de présenter de manière claire certains aspects de la question en trois temps. Premièrement, qu’est-ce que le cinéma ? Après avoir répondu à cette question sous un angle à la croisée de l’histoire mais aussi de la pragmatique, je poserai deuxièmement, sous la forme d’une analyse philosophique et psychologique, la dialectique entre Personne, Personnalité, Rôle et Travail. Et troisièmement, j’exposerai l’enseignement des Saintes Ecritures et de l’Eglise, relatif à l’éthique dans le cinéma en mettant un point d’honneur sur les acteurs. En vérité, nous sommes heureux d’avoir des acteurs chrétiens et de les voir défiler sur nos petits écrans, mais lorsque la démarche est bien « catholique » et sans bavure. Voilà donc posés les fondements de ce travail qui s’inscrit dans la mission d’enseignement de l’Eglise, dont je fais personnellement ma devise.

Qu’est-ce que le cinéma ?

Pour procéder à une petite escale d’ordre étymologique, le mot « cinéma » est dérivé de deux vocables grecs « kinêma » (mouvement) et « graphein » (écrire ; décrire). Ce détour étymologique à lui seul suffit, non pour peindre le cinéma en noir – chose absolument contraire au bon sens – mais pour entraîner à se faire de la bile au sujet de ce qui, depuis 1912, est considéré comme le 7e art, car il se perçoit par ici l’idée d’un mouvement prédéfini, déjà écrit, souvent appelé scénario, une sorte de moule de conditionnement dans lequel l’acteur rentrera ou que, simplement, il ne jouera pas. Mais qu’à cela ne tienne. Je n’en suis encore qu’aux considérations premières. Notons simplement que le cinéma est né officiellement à la fin du XIXe siècle, et que par le terme, l’on désigne généralement l’art de réaliser un film ainsi que l’ensemble des techniques employées ; de même, le lieu où l’on projette le film. Par ailleurs, au sens familier, le mot « cinéma » sert à désigner un mensonge ou une action non spontanée effectuée en public. Mais en réalité, il n’est pas simple de définir ce mot, comme l’attestait déjà L. Delluc en 1922, lorsqu’il écrivait que « le cinéma est un art, mais c’est aussi une industrie […], un commerce. C’est un monstre aussi difficile à étiqueter dans le rayon des arts que dans le rayon des machines ».

La difficulté de définir de manière concise le cinéma demeure toutefois, surtout après l’éclatement qu’il a connu ces dernières décennies par le biais de l’avènement d’internet et de l’ère numérique. Mais dans la pratique, il s’est illustré sous deux modes que sont, d’une part, la fiction où l’on retrouve des personnages appliquant un scénario bien défini, et qui s’est illustrée dès le début du XXe siècle avec Griffith, Feuillade, Linder etc., et d’autre part, le reportage qui s’applique à présenter la réalité telle qu’elle est. Ce dernier mode est le moins commun, l’industrie cinématographique visant à générer le plus de profits possibles et bien consciente de ne jamais ramasser un billet de parterre en proposant toujours plus de rêves, et donc de fictions, au public consumériste. Toutefois, elle joue des mains et des pieds pour mettre bord à bord des propositions rentables en premier lieu pour elle-même, et un certain « éthos » de cinéma engagé visant à dénoncer, à corriger, à guérir ; une sorte de redondance ou résurgence – fidèle ou non – du célèbre « Castigat ridendo mores » du poète latin Horace. Néanmoins, cette sorte d’engagement ne peut se vérifier que par le contenu cinématographique proposé, tant et si bien que nous pouvons nous accorder avec Jean-Luc Godard lorsqu’il écrit que « le cinéma est fait pour guérir les maladies dans la mesure où il véhicule une pensée qui doit guérir les maladies sociales et aider à penser la guérison des maladies physiques ». En d’autres termes, c’est d’abord un contenu assaini qui assainit. Un cinéma qui n’a plus de bornes ne saurait se targuer de vouloir impacter positivement la société, sauf que de l’instruire plus profondément au sujet des voies de la perversité et du délitement structurel intégral. Mais attendu que le cinéma en lui-même n’existe que par les personnes qui le produisent, chacun selon son expertise, et par celles qui le consomment, je m’en vais me pencher plus spécifiquement sur les acteurs pour tenter d’étudier le phénomène à un niveau beaucoup plus anthropologique.

Dialectique entre Personne, Personnalité, Rôle et Travail

Certains avis, que je ne partage aucunement, semblent poser cette thématique comme un brandon de discorde entre ce qui est exprimé naturellement par l’enseignement de l’Eglise sur lequel je reviendrai dans la troisième partie, et la praxis-même du métier d’acteur, disons la réalité sur le terrain. Ces avis semblent soutenir une décoloration professionnelle obligatoire de l’acteur au profit du 7e art, et comme preuve de professionnalisme ; une sorte de « caméléonisme » identitaire qui lui permettrait de s’intégrer dans n’importe quel rôle dès que le branle lui est donné, ce fameux « kinêma » ou mouvement. Mais ce qui est souvent oublié dans ce noble métier, c’est que tout acteur est, de base, ce que les philosophes appellent un sujet-individu, entendez par-là un sujet qui se distingue des autres sans pour autant vivre en marginalité, mais en tant qu’humain au sens plein du terme. Dans ses Essais sur l’individualisme, L. Dumont donnait cette définition : « Individu : en fait d’individu ou d’homme individuel, il faut distinguer : 1) le sujet empirique, échantillon indivisible de l’espèce humaine, tel qu’on le rencontre dans toutes les sociétés ; 2) l’être moral, indépendant, autonome et ainsi (essentiellement) social ».

Un premier hiatus fécond s’établit lorsque l’on réalise que le mot « personne » est dérivé du latin « persona » qui signifie « masque de théâtre ». Avec une prise de champ, l’on comprend aisément que dans le mot « personne » au sein du milieu cinématographique, il sied d’être vigilant, car un double sens s’opère : l’acteur s’identifie comme une personne à la fois différente d’elle-même, et pareille à        elle-même. En jouant un autre rôle, il ne cesse pas pour autant d’être ce qu’il est : il s’assume comme un être unique et autonome, et un jeu de rôle ne saurait changer ce fait ; au contraire, il l’enrichit, le déploie. « Est une personne, renchérit Hobbes, celui dont les paroles ou les actions sont considérées soit comme lui appartenant, soit comme représentant les paroles ou actions d’un autre, ou de quelque autre réalité à laquelle on les attribue par une attribution vraie et fictive » (Le Léviathan). Jouer un rôle dans un cinéma ne signifie donc pas s’extirper de la société humaine le temps que dure ce rôle ; c’est plutôt l’assumer dans sa totale identité, en tant que personne humaine, au risque d’être identifié à ce personnage en dehors du cinéma. Une telle attitude semblerait déraisonnable, à première vue, mais elle surgit au contraire des profondeurs de l’expérience anthropologique : un acteur n’est pas un robot, mais une personne ; un rôle n’est pas une simple casquette, mais une forme de « trans-identité » anthropologique comme nous le verrons tout à l’heure. Pour preuve, même dans le tournage, beaucoup d’acteurs se retrouvent à jouer leur « personnage » non plus comme un simple rôle, mais comme une nouvelle identité soudaine et performante. N’est-ce pas d’ailleurs la clé d’une interprétation réussie ?

Avançons en profondeur : un acteur est une personne au sens où il s’assume, possède la responsabilité de son être propre. Il est autonome. Cette notion est soulignée par Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuses, lorsqu’il écrit : « Une personne, ce n’est pas seulement un sujet singulier qui se distingue de tous les autres. C’est, en outre et surtout, un être auquel est attribuée une autonomie relative par rapport au milieu avec lequel il est le plus immédiatement en contact. On se le représente comme capable, dans une certaine mesure, de se mouvoir lui-même. » Ainsi, cette personne vue comme un acteur possède sa propre personnalité, différente de celle qui lui sera conférée par le rôle, et il lui faudra ménager la chèvre et le chou parce que ni sa personne, ni sa personnalité ne peuvent réellement s’effacer pour laisser toute la place au nouveau rôle : une réalité qui produira une forme de juxtaposition de personnalités. Or la personnalité est une fonction par laquelle un individu se considère comme identique et un à travers différents états. Selon le Petit Larousse de la Psychologie (2019, pp. 837-838), la personnalité désigne « l’ensemble des caractéristiques affectives, émotionnelles, dynamiques relativement stables et générales de la manière d’être d’une personne dans sa façon de réagir aux situations dans lesquelles elle se trouve. » C’est dire que la personnalité, c’est l’originalité de la personne, son caractère forgé de ses qualités et défauts. Ainsi, même dans son rôle, l’acteur ne se défait pas de sa personnalité, car le mot « rôle » est polysémique. Il désigne dans ce contexte d’une part le personnage que reproduit l’acteur, et d’autre part la conduite sociale qui correspond à sa propre personnalité. Un exemple tout simple : le Président de la République, en même temps qu’il joue le rôle de président dans toutes les règles de l’art, est réellement lui-même président. Sa personnalité ne se défait pas de sa personne au profit d’un rôle quelconque.

L’aboutissement de ce raisonnement est le suivant : un rôle, on ne l’accepte pas sans que notre personnalité elle-même soit en mesure de l’accueillir intérieurement ou qu’elle n’y soit prédisposée au préalable, car tout rôle, il faut le dire, a le pouvoir de révéler nos talents cachés, et bien d’autres choses qui ne seraient point connues si la nécessité d’être professionnel ne nous avait conduits à plonger au fonds du puits de notre âme pour les en faire ressortir. L’on comprend bien Moreno, dès lors, lorsqu’il écrit dans Psychothérapie de groupe et psychodrame que « le ‘‘rôle’’ peut être défini comme la manière d’être réelle et perceptible que prend le Moi. »  Dans ce voilement-dévoilement que favorise le « rôle », le travail ne saurait devenir dès lors l’échappatoire de la personnalité pour assumer en toute « impunité » ou – pour diluer-en tout « anonymat » une casquette dont on pourrait se débarrasser dès la fin du film. Cela signifie tout simplement que les rôles que joue un acteur, les scènes et séquences qu’il accepte de tourner peuvent le poursuivre au-delà de ses espérances, positivement comme négativement. Il ne s’agit pas seulement de voir le travail comme un gagne-pain auquel il faudrait sacrifier tous nos principes personnels. Il est vrai que cette activité apparaît contraignante, même dès son étymologie. Le mot « travail » est dérivé en effet du latin « tripalium » désignant un instrument de torture. Derrière ce vocable, se trouve un souffle sémantique de souffrance, mais il s’agit d’une souffrance productive qui contribue à la croissance d’un individu et de toute une société. C’est là qu’il sied de s’approprier légitimement le droit de dominer sur le travail, non pas le contraire, afin de produire une œuvre de transformation. En d’autre termes, comme le souligne Jean Lacroix dans Personne et Amour, « le travail, c’est toujours l’esprit pénétrant difficilement dans une matière et la spiritualisant. Travailler, c’est se faire en faisant une œuvre, se perfectionner en perfectionnant. » Comment maintenant les acteurs chrétiens peuvent-ils assumer dignement cette fonction dans le milieu cinématographique, demeurer des personnes à part entière avec leur personnalité, et être en mesure de jouer des rôles qui ne les dépersonnalisent ni les « impersonnalisent » ?

Acteurs chrétiens et éthique dans le milieu du cinéma

C’est ici qu’il sied d’exposer à présent l’enseignement des Saintes Ecritures et de l’Eglise au sujet de cette question d’actualité. Baptisés en effet, les acteurs chrétiens sont, dès l’abord, différents de tous les autres. Ils portent en eux Quelqu’un qui est plus grand qu’eux : le Christ, selon qu’il est écrit : « Vous tous, en effet, qui avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ » (Ga 3, 27). Il est ainsi profondément contradictoire de revêtir le Christ et de s’exposer à certaines scènes opposées à l’Esprit du Christ pour des raisons de travail. Le travail lui-même vient de Dieu, tant qu’il ne nous conduit pas à un contre-témoignage. Autrement, il devient une idole à laquelle on sacrifie les valeurs chrétiennes. Combien de chrétiens sont tombés et continuent de tomber dans ce piège ?

Le chrétien est un combattant permanent : son seul repos se situe dans la Maison du Père. En attendant, son adversaire ne lui laisse aucun répit. Il vaut mieux en être conscient. Pour attiser notre vigilance, la Sainte Eglise catholique enseigne ce qui suit dans son Catéchisme (CEC) : « Le Baptême confère à celui qui le reçoit la grâce de la purification de tous ses péchés. Mais le baptisé doit continuer à lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il y parvient : – par la vertu et le don de chasteté ; – par la pureté d’intention ; – par la pureté du regard ; – par la prière » (n° 2520). Mais comment entretenir cette pureté, surtout en tant qu’acteur ? L’Eglise répond : « La pureté demande la pudeur. Celle-ci est partie intégrante de la tempérance. La pudeur préserve l’intimité. […] Elle guide les regards et les gestes conformes à la dignité des personnes et de leur union »    (n° 2521). Pour entrer plus en profondeur et toucher du doigt des réalités qui se vivent dans le monde du cinéma, elle livre une précision sémantique du mot ‘‘pudeur’’ : « Il existe une pudeur des sentiments aussi bien que du corps. Elle proteste, par exemple, contre les explorations « voyeuristes » du corps humain dans certaines publicités, ou contre la sollicitation de certains médias à aller trop loin dans la révélation de confidences intimes. La pudeur inspire une manière de vivre qui permet de résister aux sollicitations de la mode et à la pression des idéologies dominantes » (n°2523).

L’Eglise commande aux acteurs chrétiens (ses filles et ses filles) de résister à toute sollicitation contraire à leurs valeurs chrétiennes. C’est là que leur témoignage chrétien est plus éloquent : « Ne savez-vous pas que votre corps est le Temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous n’êtes plus à vous-mêmes ? » (1 Co 6, 19).  Ils ne s’appartiennent donc plus, dans la mesure où le Christ les a acquis au prix fort : leur vie est appelée à être perpétuellement un parfum d’agréable odeur devant le Seigneur, quel que soit leur milieu de travail. Il leur revient d’accomplir ce que l’Eglise appelle « une purification du climat social par la puretéElle [cette purification sociale] exige des moyens de communication sociale une information soucieuse de respect et de retenue. La pureté du cœur libère de l’érotisme diffus et écarte des spectacles qui favorisent le voyeurisme et l’illusion » (CEC n° 2525). Or la Parole de Dieu, pour qui l’écoute et la met en pratique, est suffisamment claire et objective : « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais transformez-vous par le renouvellement de l’esprit, afin que vous éprouviez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui Lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm 12, 2).

Le renouvellement de l’esprit en général, et de la façon de penser en particulier, est nécessaire à tout acteur chrétien désireux de servir fidèlement le Christ sans succomber aux pièges du malin. Et ce n’est pas la mer à boire : il s’agit simplement pour lui de considérer que la religion ou la piété ne s’arrêtent pas à l’église, que le christianisme n’est pas un costume que l’on accroche à la porte d’entrée des espaces de tournage, mais que depuis le Baptême, une nouvelle personnalité venue d’une Ciel, une Identité parfaite d’enfant de Dieu lui ont été accordées, et qu’il doit les manifester. C’est par notre propre attachement au Christ et à sa Parole que nous pourrons susciter l’admiration et l’adhésion des autres, non pas en nous fondant dans la masse comme des disciples apeurés. Nous pouvons affirmer que, par le Baptême, nous sommes « ceux que Dieu a connus d’avance. » Or, « ceux que Dieu a connus d’avance, Il les a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né d’un grand nombre de frères » (Rm 8, 29).

Nous vivons dans un monde où le cinéma a pris une tournure bien différente de celle de ses grands débuts. Il est devenu aujourd’hui l’un des canaux les plus efficaces pour la propagande, pour la diffusion d’idéologies liées à des minorités nouvelles et à des pratiques non acceptées par beaucoup de cultures. Il a besoin de bras valides et vaillants pour redorer son blason, et l’on devrait pouvoir compter sur les chrétiens. Toutefois, comme le prévenait Pie XII, « il ne sera pas possible de faire du cinéma un instrument positif d’élévation, d’éducation et d’amélioration sans la consciencieuse collaboration de tous ceux qui ont une part de responsabilité dans la production et la diffusion des espaces cinématographiques » (Lettre encyclique Miranda prorsus, n°35). Se tournant vers les acteurs, il poursuit en ces termes : « Une part considérable de responsabilité dans l’amélioration du cinéma revient à l’acteur qui, respectueux de sa dignité d’homme et d’artiste, ne peut se prêter à interpréter des scènes licencieuses ni donner sa coopération à des films immoraux. Et quand l’acteur a réussi à s’affirmer par son art et par son talent, il doit profiter de la réputation justement acquise pour susciter dans le public de nobles sentiments, donnant avant tout dans sa vie privée l’exemple de la vertu » (MP n° 41).

Dans certains pays, les chrétiens sont accusés à tort d’être ceux qui pervertissent la société parce que leur religion ne leur interdit ni la consommation (modérée bien-sûr) d’alcool, ni la consommation de la viande de porc. Quand des acteurs chrétiens se livrent en spectacle public, jouant des scènes qui constituent normalement des péchés, est-ce qu’ils ne sont pas en train de confirmer ce qui se dit au sujet de leurs frères et sœurs chrétiens ? Ne sommes-nous pas tous et chacun, ambassadeurs du Christ et membres physiques de l’Eglise dans nos secteurs personnels d’activité ? Il faut bien tenir compte de cela, et influencer par la vertu, car, comme le mentionne l’Ecriture, « c’est la volonté de Dieu que par votre bonne conduite, vous fermiez la bouche aux insensés qui vous méconnaissent » (1 P 2, 15). Il est hors de question et de bon sens pour les acteurs chrétiens de considérer l’enseignement de l’Eglise et sa morale comme incompatibles avec la réalité des choses : l’Eglise elle-même est experte en humanité, et comme l’a écrit Pie XII, « même dans le domaine de la création artistique, la personnalité humaine s’enrichit et se perfectionne à la lumière de la doctrine chrétienne et de la règle morale » (MP n° 44).

Il faut toutefois reconnaître une chose : l’esprit d’évangélisation se raréfie de plus en plus de nos cœurs, le zèle missionnaire s’effrite comme une falaise qui cède. Pourtant, notre Maître et Sauveur Jésus nous a bien précisé notre mission, la raison pour laquelle Il nous a comblés de dons si infinis depuis notre Baptême, en nous disant : « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s’affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur ? Vous êtes la lumière du monde. On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 13-15). Laissez-vous interpeler par ces paroles du Christ, frères et sœurs acteurs, ainsi que par cette parole de son serviteur saint Jean-Paul II : « Le monde des médias aussi a besoin de la rédemption du Christ » (Lettre apostolique aux responsables des communications sociales, n° 4).

Vous avez une Eglise qui vous accompagne, et qui, depuis longtemps, à posé les fondations d’un agir évangéliquement efficace de votre part, en tant qu’acteurs, dans le milieu du cinéma. Même le Concile Vatican II s’est étendu sur la question. Il s’agit simplement pour vous de prendre connaissance de ce qui est dit, d’y adhérer en tant que fils et filles de la Sainte Eglise catholique, et de le mettre en pratique. En effet, les pères conciliaires ont tenu à souligner ce qui suit, au paragraphe n° 6 du Décret sur les moyens de communication sociale Inter Mirifica, intitulé « Art et Morale » : « Les controverses qui se multiplient autour de ce thème ont souvent leur origine en des doctrines erronées en matière d’éthique et d’esthétique. Aussi bien le Concile proclame-t-il que la primauté de l’ordre moral objectif s’impose absolument à tout le monde. Cet ordre est le seul à transcender et à harmoniser les formes diverses – si nobles qu’elles soient en elles-mêmes – de l’activité humaine, sans en excepter l’art. Seul il [l’ordre moral objectif] atteint l’homme dans la totalité de son être, comme créature dotée de raison par Dieu et appelée par Lui à une destinée surnaturelle. D’ailleurs, c’est dans le respect intégral et fidèle de cet ordre que l’homme atteint sa perfection et son bonheur. »

En conclusion…

Le cinéma est un art extraordinaire, plein de richesses et de sens, mais en même temps une industrie. Il présente plus de fiction que d’immersion dans des faits réels, et ne peut guérir la société s’il n’est pas lui-même assaini dans son contenu, ses scénarios. « Mais, disent certains, le cinéma a des exigences auxquelles doit se plier tout acteur. Il ne faut pas tenir compte de considérations religieuses car ce ne sont que des rôles, des personnages différents de la réalité ». Mais voilà une belle manière de faire boueuse route, car un acteur est un sujet-individu, donc différent et moralement indépendant. Il est responsable. Même dans le cinéma, sa personne transcende l’idée de masque car il est autonome, et possède sa propre personnalité qui ne peut jamais accepter un rôle auquel elle ne soit prédisposée au préalable. Le rôle est une manière d’être que prend « le Moi ». Il va au-delà du simple jeu d’acteur. Le rôle est une « capacité à… ». On se montre talentueux dans un rôle que l’on aurait pu tenir dans la vie réelle si toutes les conditions étaient réunies, et tous les interdits, levés. Voilà pourquoi les acteurs chrétiens doivent être conscients de leur baptême. Ils ont revêtu le Christ, d’où l’exigence de pudeur qui leur incombe dans leur métier. Ils sont les temples du Saint-Esprit, et donc appelés à faire du cinéma un instrument positif de construction sociale en étant de véritables modèles de vertu afin de porter du fruit, car « le monde des médias aussi a besoin de la rédemption du Christ » (Jean-Paul II, Lettre apostolique aux responsables des communications sociales, n° 4). S’ils sont bien formés de manière éthique pour bien assumer leur rôle d’acteurs et d’évangélisateurs dans un travail consciencieux qui les appelle à se perfectionner, ils pourront s’épanouir dans les galeries du 7e art, jouissant à la fois de l’estime des hommes et de la gratitude du Seigneur, et utiles au monde de ce temps.

Acteurs chrétiens, si vous êtes ce que       vous devez être, vous donnerez au cinéma   un visage neuf, sanctifié, plus édifiant et plus tourné vers Dieu, Créateur et Fin de tout.

Abbé Do Trinitatis 

                            Prêtre-étudiant en Sciences de l’Information et de la Communication

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