Dans une homélie pour le 7ème dimanche de Pâques, l’Abbé Robert Ali Dione lance un appel retentissant à l’unité et à la réconciliation à tous les niveaux de la société sénégalaise. Commentant les paroles du Christ « Qu’ils soient un, comme nous sommes un », ce prêtre du diocèse de Tambacounda souligne avec vigueur que l’unité est la clé de la paix sociale, de la cohésion nationale et du développement. Il exhorte ses compatriotes à devenir des artisans infatigables du dialogue et de l’entente, à l’image du Christ Réconciliateur. De la sphère familiale jusqu’aux enjeux politiques, l’abbé Dione appelle à semer inlassablement les graines de l’unité par des gestes concrets, plutôt que d’attendre indéfiniment l’autre. Une homélie engagée et inspirante, à lire dans son intégralité…
« Qu’ils soient un, comme nous sommes un » (Jn 17, 11sv)
Dimanche dernier 6ième Dimanche TP B le Seigneur Jésus nous continuer de nous entretenir de son départ vers le Père.Avec ses apôtres, il évoquait les dernières heures de sa Vie en laissant son Testament. Il sait que l’heure de la séparation avec eux est proche. Déjà, au cours du dernier Repas pascal, il leur avait annoncé son départ : « C’est pour peu de temps encore que je suis avec vous » (Jn 13, 33). Avant sa Passion, il sait qu’il ne Lui reste plus beaucoup de temps auprès des disciples. Voilà pourquoi Jésus les exhorte en disant : « Je m’en vais et je reviendrai vers vous. Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le Père » (Jn 14, 28).
Avant donc de passer de ce monde à son Père, Jésus confie aux disciples son Testament spirituel très touchant ; il comporte trois chose : aimer Jésus, être fidèle à sa Parole et témoigner de lui. Tel est le défi de la foi qui nous attend.
Jeudi dernier nous avons fêté l’Ascension de Jésus, fête qui nous a rappelé que le Christ ressuscité est entré le premier dans son Royaume et qui nous donne l’espérance de le rejoindre un jour.
Ainsi, en ce temps d’avant Pentecôte, nous avons à témoigner de l’espérance qui habite en nos cœur surtout en l’Esprit promis. En ce dimanche 7e dimanche de Pâques de l’année B, l’église est dans l’attente de cet Esprit promis par Jésus à ses disciples pour continuer son œuvre. Il y a eu ainsi le Temps du Père avec l’AT, celui du Fils avec le NT, vient maintenant celui de l’Esprit St, qui est le Temps de l’église.
Voilà pourquoi, à quelques jours de la Pentecôte, les textes liturgiques nous préparent à cette belle fête de l’Esprit St. Les apôtres eux-mêmes avec Marie, la Mère de Jésus attendent cet Esprit promis. Nous aussi disciples, Jésus nous prépare lui-même à continuer son œuvre sur terre sans sa présence physique. Quand nous lisons le Livre des Actes des Apôtres, nous y découvrons comment la Bonne Nouvelle de l’Évangile s’est répandue tout au début de l’Eglise.
Dans l’évangile de ce dimanche 7e dimanche de Pâques de l’année B, Jésus prie son Père pour nous, pour l’accomplissement de la mission : « Qu’ils soient un, comme nous sommes un » (Jn 17, 11b-19). Dans le contexte actuel de notre pays, dans un contexte de pluralisme religieux en particulier, il nous semble important de porter une attention particulière à cet unité auquel Jésus nous appelle ; une attention particulière au vivre ensemble laïc harmonieux qui est comme une exception sénégalaise jusque-là, qui contribue à faire notre unité nationale. A ce titre, l’expérience positive de la laïcité, fort heureusement inscrite dans notre Constitution, est plus que jamais une expérience à, non seulement préserver mais à promouvoir pour un esprit d’unité et de paix entre concitoyens de différentes confessions religieuses de ce pays.
Tous nous devons être ces acteurs d’unité et de dialogue non seulement dans sphère ecclésiale mais aussi celle publique! « Qu’ils soient un, comme nous sommes un » ; nous avons ce devoir de défendre et promouvoir cet esprit d’unité déjà au sein de nos communautés chrétiennes mais aussi dans notre milieu de vie : Esprit d’unité, de communion (4 petits mots).
Nous pouvons dès lors nous interroger : quels sont nos propres batailles domestiques, de couple, de famille, les tiraillements au sein de nos communautés ou nos querelles avec les gens que nous voyons ou côtoyons tous les jours au service, au chantier ou en milieu politique ! Dans le contexte d’un Sénégal récemment secoué par des remous politiques qui ont aboutis à une crise socio-politique ayant occasionné malheureusement mort d’homme, il nous parait important, de revisiter cette unité à laquelle Jésus nous invite aujourd’hui. Le Sénégal, qui jusque-là est relativement une référence en matière de stabilité politique et démocratique, pays de pluralités confessionnelles où règnent somme toute une unité et une concorde relatives, a dernièrement, nous le savons tous, frôlé le pire avec les récents remous socio-politiques dont nous avons été témoins. Heureusement que l’église a merveilleusement joué sa partition en contribuant à bâtir, à reconstruire, à préserver l’unité. C’est dire que celle-ci n’est pas de l’ordre d’un acquis définitif.
Voilà pourquoi, face à toutes ces récentes tensions sociales, à ces crises socio-politiques internes et dans la diaspora sénégalaise, qui ont secouées notre pays, la République, Bonnan mallant, est restée debout, parce qu’il y a eu des artisans d’unité.Là encore, nous le savons, l’unité est une condition sine qua non pour toute cohésion sociale durable, pour des relations pacifiées ou pour un espace propice au développement socio-économique ; d’où la nécessité de trouver sans cesse un chemin de réconciliation, en décelant et dénonçant les facteurs de déstabilisation de l’unité au profits de facteurs ou processus porteurs de construction, de consolidation et de préservation de cette unité. Cette entreprise n’est toutefois pas possible sans la famille, église domestique, base de toute société.
En effet, l’unité commence au sein de la famille qui en est la source. La famille est le premier et le plus important environnement social. Elle est le fondement et la première route de l’unité. St Jean Paul II, que l’on a appelé le Pape de la famille, a compris que c’est précisément dans l’environnement familial que peut être semé l’unité. Dans son Message du 1er janvier 1996, il écrit ceci : « les jeunes enfants apprennent très tôt à connaître la vie. La famille est le premier lieu où ils s’ouvrent au monde ; elle doit être pour eux la première école de l’unité » (Saint Jean Paul II, Message, 1er janvier 1996). Et le Pape François, dans son Message du 1er janvier 2017 ajoute : « la famille est l’espace indispensable où les époux, les parents et les enfants, les frères et les sœurs apprennent à communiquer et où les désaccords ou même les conflits doivent être surmontés non par la force, mais par le dialogue ».
Engageons donc nos enfants dans une voie de croissance, de construction de l’unité déjà dans le couple. C’est dans la famille que l’unité doit commencer par être vécue et dans les autres lieux d’éducation de base comme l’école, avant toute immersion sociale. C’est un processus de maturation qui s’acquière dès le milieu familial et scolaire avant tout autre lieu de socialisation plus large. Dans notre Évangile de ce matin résonne cette parole de Jésus : « Père saint, garde mes disciples unis (…), pour qu’ils soient un, comme nous sommes un ».
Notons que l’unité est, avant tout, celle avec soi-même ; elle est d’abord intérieure avant d’être extérieure. C’est dire qu’il faut faire de notre cœur un lieu d’unité. A ce titre, l’unité n’est pas de l’ordre d’une chose que l’on a, ou que l’on n’a pas. Elle est une œuvre à travailler, à façonner, à polir avec patience et amour. Pour le baptisé, l’Eucharistie et la Réconciliation sont justement deux moyens de base pour toute édification d’unité. Par l’être chrétien, le binôme unité intérieure et extérieure permettent de surmonter les crises qui sont parfois inévitables. Comme frères et sœurs dans la foi, St Luc nous le rappelle l’exemple de la première communauté en Ac 4, 32 : « la multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme ».
Unité dans nos familles, dans nos communautés ecclésiales, dans nos milieux de vie socio-politiques, unité nationale ou dans notre sous-région ! Une observation rigoureuse et objective des faits socio-politiques vécus dans notre pays, commande de réfléchir à la lumière de notre foi pour être ces acteurs d’unité. Jésus, notre modèle suprême d’Artisan d’unité, nous a tracé la voie en prenant, sans attendre, l’initiative de nous réconcilier avec Dieu. En conséquence, en cas de conflit par exemple, ce n’est pas toujours nécessaire d’attendre que l’autre vienne et reconnaisse ses torts, ni attendre que l’ambiance se dégrade pour faire l’unité ; ne laissez jamais pourrir la situation au point qu’elle devienne irrécupérable avant de refaire l’unité ! mais entreprenez tout ce qui peut ramener ou faire advenir l’unité. Considérez l’exemple du fils prodigue en Lc 9 ; savoir aller vers l’autre !
Parce que catholiques, disciples missionnaires, nous sommes appelés à faire le premier pas pour l’unité ! Biens de conflits perdurent parce chacun/e attend que l’autre fasse le premier pas. Si chacun se dit c’est à moi de le faire, eh bien, les conflits se règlent très vite. Au finish, c’est l’unité qui gagne les foyers, le couple, la famille, l’Eglise ; le pays !
Puisse que, le Christ ressuscité nous promet son Esprit qui fait notre unité, mais surtout prie pour nous, pour notre unité, qu’il renouvelle nos cœurs afin que nos vies, nos communautés et notre humanité s’ouvrent à la l’unité surtout dans nos communautés de paroisse en particulier, dans notre pays le Sénégal, dans notre sous-région. Amen !
Abbé Robert Ali Dione
Diocèse de Tambacounda
