« Tout dans nos traditions n’est pas mauvais mais rien dans nos traditions ne peut égaler le sacrifice de Jésus sur la croix » (Abbé Nzaly Gragini Kaly)

Les textes liturgiques du 22ème dimanche du Temps Ordinaire ont servi de prétexte à l’Abbé Abbé Nzaly Gragini Kaly, vicaire à la paroisse Sainte Thérèse de Louga, diocèse de Saint Louis, pour revenir sur la relation entre les pratiques traditionnelles africaines et la foi catholique. Commentant la réponse de Jésus aux pharisiens que reprochaient à ses disciples de ne pas respecter la tradition des anciens en se lavant les mains avant les repas, le vicaire de la paroisse Sainte Thérèse de Louga a déclaré : « Je m’inscris sur la ligne de l’Église qui affirme que tout dans nos traditions n’est pas mauvais. Je reconnais la valeur de certaines de nos pratiques traditionnelles. Mais l’Église nous enseigne que rien dans nos traditions ne peut égaler le sacrifice de Jésus sur la croix ». Il a aussi évoqué la peur « de nos pratiques traditionnelles et ancestrales » qui habitent de nombreux fidèles, les exhortant à « se départir des pratiques qui éloignent du Christ et à pratiquer ses commandements ».

L’Evangile de Saint Jean du dimanche dernier, nous a présenté deux conséquences de cette affirmation de Jésus : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » La première revêt un caractère négatif : « Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s’écrièrent : ce qu’il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l’écouter ! » Et l’apôtre Jean de poursuivre plus loin : « A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. » Ce qui est vrai, quand tu n’es pas d’accord avec quelqu’un qui ne t’inspire même pas confiance, arrête de le suivre. La deuxième conséquence porte un sceau positif : « Voulez-vous partir, vous aussi ? interroge Jésus. Et Pierre de répondre : « A qui irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. » Cette profession de foi révèle qui est Jésus pour eux. Il est celui qui donne sens à leur vie. C’est pourquoi, ils décident librement de le suivre.

Tout semble finir. Les partisans du non sont partis de leur coté et ceux du oui ont suivi Jésus. Plus de problème. Jésus semble avoir tout réglé et peut désormais poursuivre sa mission sans souci, car ayant avec lui, ceux qui ont foi en sa personne. Avec ses disciples, Jésus tourne la page et commence une nouvelle aventure par une invitation. Surprise ! A cette même invitation étaient présents, les pharisiens dont le nom signifie « séparés » et les scribes, tous considérés comme une engeance de vipères par Jean le Baptiste. Pouvons-nous imaginer déjà la scène. Là, une nouvelle polémique éclate entre Jésus, les pharisiens et les scribes. Le litige qui les oppose porte sur la conduite des disciples de Jésus : ceux-ci prennent leurs repas avec des mains impures, c’est à dire non lavées. Mais pourquoi une telle réaction des pharisiens et scribes à l’endroit de Jésus et de ses disciples ? Saint Marc, l’auteur de notre évangile du jour se fait le devoir d’expliquer à sa communauté, c’est-à-dire les romains ignorants des coutumes juives et à nous aujourd’hui, ce qui fait le problème.

En effet, ces pratiques minutieuses des juifs à propos des repas remontent à la loi de Moise. Pour préserver le peuple élu dans son intégrité socioreligieuse, c’est-à-dire dans sa recherche d’une identité propre et d’une vie plus intime avec Dieu, tout contact lui était interdit avec des personnes et des aliments déclarés « impurs » en Lv 11-16. Dans la vie courante, au retour des lieux publics et des marchés, les israélites se sentent impurs, à cause du contact avec les voisins considérés comme des gens impurs (samaritains, commerçants, occupants romains etc.) D’où leurs abondantes purifications avant de se nourrir et la question posée à Jésus sur le laxisme de ses disciples par rapport à ces règles. « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas sans s’être lavé les mains. » Jésus prend le temps de répondre à cette question. Sans ambages, il commence par dénoncer l’hypocrisie de ses adversaires, c’est-à-dire leur fausseté. Comme il s’adresse à des gens qui connaissent bien la Bible, Jésus en appelle à l’Ecriture : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l’Ecriture : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu’ils me rendent ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de coté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. » A la suite d’Isaïe, le prophète Osée dénonçait chez ses compatriotes un culte sans âme (Os 14). Jésus n’a pas peur, il ne craint même pas de reprendre le jugement sévère d’Isaïe. Il va même plus loin : « Vous substituez des traditions tout humaines à la Parole de Dieu. » L’accusation est grave. Cependant, rien à craindre, car elle est bien fondée et légitime.

Jésus est un fin connaisseur de l’homme. Etant vrai Dieu, il sait toujours, dans chaque situation comment procéder pour révéler la vérité et indiquer la bonne voie. C’est que nous venons d’entendre dans l’Evangile. « Vous laissez de coté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. » Rien d’étonnant. Ce que Jésus dit là est d’actualité. De nos jours, nous vivons sous la peur de nos pratiques traditionnelles et ancestrales. Ne sommes-nous pas ces gens qui donnent plus de poids aux coutumes traditionnelles ? Nos traditions, nos cultures sont elles réellement pures ? N’y a-t-il pas des choses dans nos traditions qui nous empêchent de vivre véritablement notre foi ? Ces pratiques et coutumes, est-ce un bien ou un mal pour nous ? Sommes-nous réellement libres face à ces pratiques ? Ne sommes-nous pas ces gens qui passent tout le temps à dire aux autres : « Hey çà, c’est interdit ? Parait-il que si tu fais ceci, tu vas mourir ou si tu touches à çà tu vas tomber malade ». Est-ce que nous prenons le temps de chercher à bien comprendre nos traditions, afin d’y voir ce qui est bien et ce qui ne l’est pas ?

Chers amis, moment que celui-ci ne saurait être favorable pour toucher du doigt la réalité. Nous vivons tous dans la peur. Nous vivons tous sous le dictat de nos traditions, négligeant ainsi l’essentiel de notre vie : le Christ. Oui nous avons peur de renoncer à certaines de nos pratiques traditionnelles qui ne font que nous éloigner du Christ. Je ne dis pas que tout dans nos traditions est mauvais. Je m’inscris sur la ligne de l’Eglise qui affirme que tout dans nos traditions n’est pas mauvais. Je reconnais la valeur de certaines de nos pratiques traditionnelles. Mais l’Eglise nous enseigne que rien dans nos traditions ne peut égaler le sacrifice de Jésus sur la croix. Elle ne cesse de nous inviter à l’inculturation. C’est le Christ qui illumine nos traditions par sa parole et ses enseignements et les mènent à leur plein accomplissement. Lui-même nous l’a dit : « Je ne suis pas venu abolir la loi ni les prophètes, je suis venu accomplir. » C’est ce qu’on appelle la nouveauté évangélique : le Christ, lumière qui purifie nos traditions. Si nous ne croyons pas en lui, notre place n’est pas dans l’Église.

Jésus ne critique pas pour critiquer. En dénonçant la fausseté de ses adversaires, Jésus vient établir une société ouverte où sont exclus la discrimination, le racisme, l’apartheid, l’injustice et nous donner un enseignement nouveau. « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » « C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchanceté, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. »

Les aliments que nous mangeons ne sont pas la cause de nos péchés. Alors mangeons tout ce que nous pouvons manger. Le cœur, voilà le problème de l’homme. Dans la Bible, en effet, le cœur est défini comme le siège des pensées et des affections. C’est là que naissent les perversions morales. Voilà ce que les pharisiens et les scribes ignoraient. Et leur ignorance vient du fait qu’ils ont accordé plus d’importance à la tradition qu’à la Parole de Dieu. Leur ignorance vient du fait que, au lieu de chercher à bien comprendre le sens de la tradition, ils cherchent à piéger Jésus pour le prendre et le faire mourir. Ils passent à coté. Ils n’ont pas su comprendre que ce Jésus qui est devant eux est plus qu’un homme. « Jamais un homme n’a parlé comme cet homme là s’exclamaient les gardes envoyés par le sanhédrin et cette femme de renchérir : Heureuses les entrailles qui t’ont porté. Et Jésus de lui dire : Heureux ceux qui entendent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique. »

Chers amis croyants, mettre en pratique la Parole de Dieu, c’est pratiquer la vraie religion. Et comme nous le dit Saint Jacques : « Devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur, et de se garder propre au milieu du monde » (Jc 1, 17-18). « Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme : car vous ne faites plus qu’un dans le Christ-Jésus » (Ga 3, 28)

Que ces paroles de l’apôtre Jacques trouvent une place dans nos cœurs et aident chacun et chacune de nous à se départir des pratiques qui nous éloignent du Christ et de pratiquer ses commandements aujourd’hui, demain et pour les siècles des siècles. Amen !!!

Abbé Nzaly Gragini KALY 

Vicaire à la paroisse Sainte Thérèse de Louga

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