La Bible : ses appellations et la question de son inspiration divine (Enseignement)

Les termes « Bible », « Saintes Ecritures », « Livres Saints », « Parole de Dieu », se rapportent tous à la même réalité, c’est-à-dire l’expérience faite par un peuple d’un Dieu qui parle, autant au travers de son œuvre créatrice, que des évènements de l’histoire, ou encore de l’inspiration de ses prophètes ; expérience relue dans la foi, transmise de générations en générations, et finalement mise par écrit. Nous allons nous arrêter sur chacun de ces termes, pour en approfondir le sens et la pertinence.

« La Sainte Bible » : 1 R 5, 321 parle d’une ville portuaire phénicienne (l’actuel Liban), située entre Sidon et Qadesh, du nom de Guébal. La dénomination grecque de cette ville était ς, soit Byblos (cf. carte ci-dessous).

Or cette ville, et son port, était la plaque tournante du commerce du papyrus, inventé en Egypte en 3100 avant Jésus-Christ : une sorte de « roseau dont l’écorce permettait de faire un papier sur lequel on écrivait avec de l’encre »2. Avant donc de désigner ce qui est écrit, le mot ς renvoie au support sur lequel on écrit. Dans la Bible, le terme ς se retrouve au singulier comme au pluriel ; le singulier désigne un livre bien précis. Ainsi, pour répondre à une question sur la réalité de la résurrection des morts, Jésus, dans l’Evangile selon Saint Marc, dit aux Sadducéens : « Quant à savoir si les morts ressuscitent, n’avez-vous pas approfondi le livre de Moïse au passage du Buisson Ardent ? » (« ςςςςςς » : Mc 12, 26-27 ; cf. Ex 3, 6). L’usage du neutre pluriel se justifie par le fait que la Bible est en réalité une bibliothèque, contenant plusieurs volumes de tailles et de genres littéraires différents. Traduit en latin,  est rendu par Biblia (féminin singulier) et désigne La Bible comme l’ensemble des livres de l’Ancien et du Nouveau Testaments. Il est devenu très fréquent d’utiliser l’expression « La Sainte Bible ». Pour Saint Thomas d’Aquin, cette expression se justifie, parce que la Bible « a été inspirée de Dieu, parce qu’elle ne renferme que des doctrines saintes, et parce qu’elle sanctifie ceux qui la lisent ».

« Les Saintes Ecritures » ou « Livres Saints » : Les savants juifs (les Massorètes)3 qui ont discerné tous les livres et retenu dans la Bible hébraïque ceux qu’ils reconnaissaient comme véritablement inspirés, les ont tous classés en trois grands groupes :

1. d’abord les 5 livres que sont la Genèse, l’Exode, Le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Ce premier corpus est appelé Torah, c’est-à-dire Loi, Enseignement.

2. ensuite une deuxième collection de livres qu’ils appellent les Nebiîm, comprenant ce que la Bible grecque appelle les « livres historiques » ou « prophètes premiers » ou encore « prophètes antérieurs » et les « livres prophétiques » ou « prophètes postérieurs », (les « grands » et « petits » prophètes). Cette inclusion des livres historiques dans les livres prophétiques dans le canon hébraïque se justifie, par le fait que tout évènement de l’histoire est porteur de sens et fait découvrir la fidélité de Dieu, ainsi que sa volonté de salut pour son peuple.

3. enfin, d’autres livres forment une troisième et dernière section et sont appelés Ketoubîm ou « les autres écrits ».

En vocalisant « a » les initiales de ces trois grandes parties, on a obtenu l’acronyme TaNaK, pour désigner la Bible hébraïque. La dénomination Ketoubîm nous montre bien l’importance de la mise par écrit de la révélation. Déjà le livre de l’Exode nous dit avec insistance que les « 10 paroles » gravées sur les deux tables de pierre qui furent remise à Moïse était écrite par Dieu lui-même4. C’est aussi Dieu qui ordonne aux prophètes la mise par écrit d’évènements ou d’oracles (cf. Jr 30, 1-2 ; 36, 1 ; Is 8, 1 ; Ap 14, 13 ; 19, 9), pour différents objectifs :

  • qu’on la lise devant le peuple et que celui-ci l’écoute (Dt 31, 9-11) ;

  • qu’on l’enseigne et qu’on l’apprenne par cœur (Dt 31, 19-20) ;

  • qu’on s’en souvienne (cf. Ex 17, 14 ; Ml 3, 16) ;

  • qu’on prenne au sérieux les avertissements divins et qu’on se convertisse (cf. Jr 36, 1-2 ; Os 8, 12 ; Pr 22, 20-21) ;

  • qu’on soit instruit, qu’on persévère et qu’avec le réconfort des Ecritures, qu’on espère, même si les promesses semblent tarder (cf. Rm 15, 4 ; Ha 2, 2-3) ;

  • que l’on y croie et qu’en croyant, l’on ait la vie (cf. Jn 20, 31).

« La rédaction des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament s’est étalée sur une période d’un millier d’années, et le dernier de ces livres a été écrit il y a près de deux mille ans »5, dit Roland de Vaux. En effet, depuis le premier appel adressé par Dieu à Abraham (« lékh lëkha ») au cours du 19ème siècle avant Jésus-Christ, jusqu’au dernier écrit du Nouveau Testament : l’Evangile de Jean publié vers la fin du 1er siècle après Jésus-Christ, c’est bien sur un millénaire que s’est constitué la Bible, il y a de cela deux mille ans. Est-ce à dire que les Saintes Ecritures sont des documents du passé, qui ne nous racontent qu’une histoire dépassée, faites d’évènement survenus bien avant notre temps et qui concernaient un peuple absolument différent de nous par la langue, la culture, l’histoire ? Pourquoi nous intéresser encore aujourd’hui à ce corpus ?

« La Parole de Dieu » : Parce que nous croyons qu’au travers de ces Ecritures-là, c’est Dieu qui s’adresse à nous. Nous reconnaissons que ces livres-là sont porteurs de la « Parole de Dieu » pour tous les hommes, sous tous les cieux, et pour tous les temps. Nous acceptons que même si ce sont des hommes d’un milieu bien déterminé, à un temps précis, qui se sont adressés à des communautés spécifiques, dans des langues qui étaient les leurs, selon des procédés littéraires identifiables, sur des sujets qui leur tenaient à cœur, ces hommes-là, auteurs de ces livres bibliques, ont été inspirés par Dieu.

Le Concile Vatican II, pour nous le faire comprendre, passe par le mystère de l’Incarnation du Verbe de Dieu, et nous dit :

« Les paroles de Dieu, passant par les langues humaines, sont devenues semblables au langage des hommes, de même que jadis le Verbe du Père éternel, ayant pris l’infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes »6.

Par l’intermédiaire des auteurs des différents livres de la Bible, c’est donc Dieu qui s’adresse à nous aujourd’hui. Ces auteurs ont été pour Dieu des instruments libres et conscients, qu’il a assisté de son Saint-Esprit, pour les préserver de l’erreur. Le Pape Pie XII, dans son encyclique sur les études bibliques, dira :

« Sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre humain  » pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l’homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre  » (II Tim. III, l6 sq.) »7.

Qu’est-ce que l’inspiration biblique ? Elle est ainsi définie par Robert Alter :

L’inspiration biblique est une action surnaturelle de Dieu, à la fois discrète et profonde, qui respecte entièrement la personnalité des auteurs humains –car Dieu ne mutile pas l’homme qu’il a créé- mais les élève au-dessus d’eux-mêmes –car Dieu est capable de le faire-. De la sorte, les livres issus de l’activité de ces auteurs ne sont pas seulement une pensée humaine, mais la pensée de Dieu8.

Aussi, dans la liturgie de la Parole, le lecteur commence-t-il toujours par nous dire, par exemple : « Lecture du livre du prophète Isaïe », et finit en disant : « Parole du Seigneur » ; ce à quoi l’assemblée répond : « Nous rendons grâce à Dieu ». Nous regardons toute la Bible (Ancien et Nouveau Testaments) comme Parole de Dieu, « écrite d’avance pour notre instruction, pour qu’avec la persévérance et le réconfort des Ecritures, nous sachions espérer » (Rm 15, 4b). On entend souvent des chrétiens demander si nous avons encore besoin de faire référence à l’Ancien Testament. Oui, à l’image de Jésus qui connaissait et a régulièrement cité les Ecritures :

  • Quand poussé par l’Esprit au désert, Jésus y passa 40 jours et nuits dans le jeun et la prière, c’est par des citations de l’écriture qu’il répondra aux différentes tentations du diable : ainsi, quand le diable lui propose de changer les pierres du désert en pain et de les manger, Jésus lui dit « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu ». Ce faisant, Jésus est en train de citer Dt 8, 3. Quand le diable lui demande de se prosterner devant lui pour, en échange, avoir autorité sur tous les royaumes de la terre, Jésus cite Ex 34, 14 qui demande de ne se prosterner que devant Dieu seul. Quand enfin le diable lui demande de se jeter du haut du rempart du temple, au nom de l’Ecriture qui dit que Dieu enverra ses anges le porter dans leurs mains pour que son pied ne heurte à la pierre (Ps 91, 11-12), Jésus cite Dt 6, 16 : « Vous ne mettrez pas à l’épreuve le Seigneur votre Dieu comme vous l’avez fait à Massa ».

  • en Mc 7, 5-8, quand des pharisiens s’offusquent de voir que les disciples de Jésus mangeaient sans s’être lavés les mains, Jésus leur répond sévèrement « Hypocrites ! Isaïe a bien parlé à votre sujet quand il dit : Ce peuple m’honore du bout des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Leur culte ne vaut rien et les préceptes qu’ils enseignent ne sont que des lois humaines » ; ce faisant, il citait Isaïe 29, 13.

  • En Luc 24, Jésus ressuscité rejoint deux de ses disciples sur la route d’Emmaüs. Apprenant qu’ils ont du mal à croire au témoignage des femmes, Jésus leur fait des reproches en ces termes « Hommes sans intelligence, cœurs lents à croire ce qu’ont dit les prophètes ! Le Messie ne devait-il pas souffrir pour entrer dans sa gloire ? » Et il leur fit l’interprétation de ce qui le concernait dans toutes les Ecritures, en commençant par Moïse et ensuite tous les prophètes (Luc 24, 25-57).

Il nous faut donc recevoir comme Parole de Dieu tous les livres de l’Ancien, et du Nouveau Testaments. Les deux ne s’opposent pas, mais témoignent de l’Alliance de Dieu avec les hommes au long de l’unique histoire du Salut des hommes, au cours de laquelle les desseins divins s’accomplissent selon une pédagogie voulue par Dieu, jusqu’à la Révélation suprême accordée en la personne du Christ, Parole ultime du Père.

Saint Augustin nous recommande donc de vénérer les Saintes Ecritures au même titre que le Corps du Christ :

« Dites-moi lequel des deux vous parait plus précieux, la Parole de Dieu ou le Corps de Jésus-Christ ? Si vous voulez répondre selon la vérité, vous devez certainement dire, que la Parole de Dieu n’est pas moins précieuse que le Corps de Jésus-Christ, et ainsi, autant nous sommes attentifs lorsqu’on nous administre le Corps de Jésus-Christ, que rien n’en tombe de nos mains à terre, autant devons-nous prendre de précautions, pour que la Parole de Dieu qui nous est distribuée, ne périsse pas de notre cœur, soit par nos pensées, soit par nos paroles : parce que ce n’est pas être moins coupable d’entendre la Parole de Dieu négligemment, que de laisser tomber à terre par négligence, le Corps adorable de Notre Seigneur Jésus-Christ »9

Denziger 1501 : decret du Concile de Trente :

C’est pourquoi, suivant l’exemple des pères orthodoxes, le même saint concile reçoit et vénère avec le même sentiment de piété et le même respect tous les livres tant de l’Ancien Testament que du Nouveau Testament, puisque Dieu est l’auteur unique de l’un et de l’autre, ainsi que les traditions elles-mêmes concernant aussi bien la foi que les moeurs, comme ou bien venant de la bouche du Christ ou dictées par l’Esprit Saint et conservées dans l’Eglise catholique par une succession continue. Il a jugé bon de joindre à ce décret une liste des livres saints, afin qu’aucun doute ne s’élève pour quiconque sur les livres qui sont reçus par le concile. Ces livres sont mentionnés ci-dessous.

Cette liste, est le canon catholique des écritures. Il répartit toute la Bible en deux parties :

– l’ancien testament

– et le Nouveau testament.

L’Ancien testament, dans les bibles catholiques se divise en quatre parties :

  • Le Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome) ;

  • Les livres historiques (Josué, Juges, Ruth, 1 Samuel, 2 Samuel, 1 Rois, 2 Rois, 1 Chroniques, 2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Tobie, Judith, Esther, 1 Maccabées, 2 Maccabées) ;

  • Les livres poétiques et sapientiaux (Job, Les Psaumes, Les Proverbes, L’Ecclésiaste (ou Qohélet), Le Cantique des cantiques, Le livre de la sagesse, L’Ecclésiastique (ou Siracide ou encore Ben Sirac le Sage)

  • Les livres prophétiques (Isaïe, Jérémie, Les Lamentations, Baruch, Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie).

Le nouveau testament, se divise en quatre parties :

  • Les quatre Evangiles (Matthieu, Marc, Luc, Jean) ;

  • Les actes des apôtres ;

  • Les épitres (les quatorze épîtres de l’apôtre Paul, à savoir Romains, les deux aux Corinthiens, Galates, Ephésiens, Philippiens, Colossiens, les deux aux Thessaloniciens, les deux à Timothée, Tite, Philémon ; l’épître aux hébreux ; les deux épîtres de l’apôtre Pierre, les trois de l’apôtre Jean, l’épître de Jacques, celle de Jude)

  • L’apocalypse de Saint Jean.

La Bible est donc réellement une bibliothèque dans laquelle on trouve des livres écrits selon plusieurs genres littéraires (des mythes, des contes, des récits, des poèmes, des chants, des apocalypses, des oracles…). Ces livres se classent selon plusieurs critères (classement par idée ou par taille de livres).

Pour faciliter la recherche d’un passage biblique, chaque livre de la Bible est divisé en chapitres, et les chapitres sont divisés en versets. Ainsi, les livres se désignent par une abréviation, les chapitres par un premier chiffre, suivi d’une virgule et les versets se désignent d’un second chiffre.

Léonie Sarr

BIBLIOGRAPHIE

DICTIONNAIRES :

LEON-DUFOUR Xavier (Dir), Vocabulaire de Théologie Biblique, Cerf, Paris 1962, 1158 pages.

Petit Dictionnaire de la Bible, Brepols –Verbum Bible

OUVRAGES :

ABADIE Philippe et al., Initiation à la lecture d’un texte biblique, Profac, Lyon 1994, ISBN 2-85317-050, 215 pages.

CHARPENTIER Etienne, Pour lire l’Ancien et le Nouveau Testament, Verbum Bible, Cerf, Paris 1990, ISBN 84-599-2859-4, 127 pages.

GUARDINI Romano et al., L’exégèse chrétienne aujourd’hui, Fayard, Paris 2000, ISBN 2-213-60546-7, 216 pages.

HARRINGTON Wilfrid, Nouvelle introduction à la Bible, Seuil, Paris 1971, 1125 pages.

REVUES :

AULARD Stéphane et al., Parole de Dieu et exégèse, « Cahier Evangile » n° 74, Cerf, Paris

CHARPENTIER Etienne, Pour une première lecture de la Bible, « Cahier Evangile » n° 10 Cerf, Paris

1 1 R 5, 32 : Les ouvriers de Salomon, les ouvriers de Hiram et les habitants de Byblos, taillèrent et préparèrent le bois et les pierres pour la construction du Temple.

2 Lexique de la Bible des Peuples.

3 Le mot « massorètes » vient de la racine massar, qui signifie “transmettre”. Préoccupés de transmettre aussi exactement que possible le texte sacré dans des communautés dont la majeure partie appartenait maintenant à la Diaspora, des Maîtres de la Loi commencèrent, dès les premiers siècles de notre ère, tant en Babylonie qu’en Palestine, à fixer le texte et sa prononciation par un certain nombre de signes annexes. Il y eut plusieurs systèmes et finalement c’est celui des rabbins de Tibériade qui fut adopté, en particulier pour l’emplacement des “signes voyelles” sous la ligne (Lexique de la Bible des Peuples).

4 Ex 24, 12 : « Dieu dit à Moïse : « Monte vers moi sur la montagne, et reste là pour que je te donne des tables de pierre avec la loi et la règle que j’ai écrites pour leur instruction » » ; Ex 31, 18 : « Après cela, lorsque Dieu eut fini de parler à Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables du Témoignage, tables de pierre écrites de la main de Dieu » ; Ex 32, 15-16 : « Moïse redescendit de la montagne, tenant dans sa main les deux tables du Témoignage : elles étaient écrites des deux côtés, sur les deux faces. Les tables étaient l’œuvre de Dieu et l’écriture gravée sur les tables étaient l’écriture de Dieu ».

5 Roland de Vaux, Préface de la Nouvelle Introduction à la Bible de Wilfrid Harrington, Seuil, Paris 1971, p. 9.

6 Concile Vatican II, Dei Verbum. Constitution dogmatique sur la révélation divine, n° 13, Rome, 18 Novembre 1965.

7 Pape Pie XII, Divino afflante Spiritu. Lettre encyclique sur les études bibliques, n° 1, Rome, 30 Septembre 1943.

8 Introduction à la Bible (dir. A. Robert et A. Feuillet), Tome 1 : Introduction Générale Ancien Testament, Desclée et Cie, Tournai 1957, p. 4.

9 Saint Augustin, Homélie 26, ex Quinguag.

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