Quelle est la spiritualité du prêtre diocésain ?

Quelle est la spiritualité du prêtre diocésain ? Est-elle différente de celle du prêtre religieux ? Abbé René Marie Diouf, prêtre diocésain de l’archidiocèse de Dakar et Directeur spirituel au Grand Séminaire interdiocésain, François Libermann, à Sébikotane, apporte des éclairages dans cette chronique.

« C’est l’exercice loyal inlassable de leur fonction dans l’Esprit du Christ qui est pour les prêtres, le moyen authentique d’arriver à la sainteté ». Ainsi s’ouvre le n°13 de Presbyterorum Ordinis.

La spiritualité du prêtre diocésain est d’abord tout simplement donc la spiritualité du prêtre tout court, la spiritualité presbytérale ou sacerdotale, la spiritualité qui découle de l’être et de la mission du prêtre, et qui n’est en tout cas pas d’abord ou prioritairement liée à quelque dévotion particulière.

Mais, au n°28 de Lumen Gentium, les pères du Concile Vatican II y ajoutent quelque chose de fort intéressant. Ils définissent le prêtre dans sa relation d’abord au Christ, l’unique vrai ou parfait prêtre, consacré et envoyé par le Père puis dans sa relation à son Père évêque ; ensuite dans sa relation aux autres prêtres, ses frères dans sa famille presbytérale et le ministère, et enfin dans sa relation au peuple chrétien dont le sacerdoce baptismal est celui au service duquel est ordonné son sacerdoce ministériel. Oui, avec Vatican II le prêtre est également perçu et compris, dans son mystère, à travers cette dimension relationnelle.

En fait, la spiritualité du prêtre qui est issue des réformes du Concile de Trente et de l’école française avait beaucoup insisté sur le caractère sacramentel. Sa référence avait été avant tout ontologique, et, par rapport à l’expérience, on préférait privilégier la dimension de consécration.

Avec le Concile Vatican II, on a élargi la perspective, parce qu’on a abondé dans le sens d’une spiritualité du prêtre qui, certes participe à la consécration du Christ, mais aussi à sa mission. Comme le Christ, comme les apôtres et leurs successeurs, les évêques dont la fonction ministérielle lui a été transmise à un degré subordonné, le prêtre est à la fois, consacré et envoyé : « Le Seigneur Jésus que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde fait participer tout son corps mystique à l’onction de l’Esprit qu’il a reçu….. Il a envoyé ses apôtres comme le Père l’avait envoyé, puis par l’intermédiaire des Apôtres, il a fait participer à sa consécration et à sa mission les évêques, leurs successeurs dont la fonction ministérielle a été transmise aux prêtres à un degré subordonné » (cf. n°2 du décret sur le ministère et la vie des prêtres et Jn 10, 36) .

On est donc parti du souci d’une configuration au Christ Souverain Prêtre, Chef du peuple pour aujourd’hui mettre d’avantage l’accent sur le souci d’une configuration au Christ Pasteur.

De Trente à Vatican II, on a évolué effectivement d’une théologie du Christ Souverain Prêtre vers une théologie du Christ consacré et envoyé pour accomplir la volonté de Celui dont il est le « missionnaire ». A sa suite le prêtre est aussi perçu et compris donc, nous l’avions déjà dit, à la fois dans un « être » et une « mission ».

Si nous nous référons à l’Evangile, le prêtre est appelé à avoir un esprit de serviteur, et même de serviteur quelconque (Lc 17, 10). Par Dieu, le prêtre doit se savoir choisi et établi par pure grâce (Jn 15, 16) : « Ce n’est vous qui m’avez choisi… ». Et, ce choix divin, il est confirmé par l’Eglise. Au sein de la famille presbytérale, tous les prêtres doivent se savoir d’égale dignité spirituelle, doivent donc être animés d’un esprit de communion autour de leur Père évêque, conjuguant leurs divers talents et rivalisant de charité, de sollicitude, de compassion et de miséricorde, entre eux, et envers les enfants de Dieu vers lesquels ils ont été envoyés.

Si nous nous référons au sacrement de l’ordre et au ministère, le sacerdoce est participation à l’onction du Christ, participation à son offrande, à sa mort et à sa résurrection, pour la Vie et le Salut des enfants de Dieu. Il est participation à l’amour sponsal du Christ, à son amour pour son épouse l’Eglise, un amour qui est oblatif, détaché de lui-même et fidèle (cf n°22 Pastores dabo vobis). Comme ministre de la Parole, le prêtre se nourrit du Verbe de vie pour en nourrir le peuple de Dieu (cf n°13 Prsbyterorum Ordinis). Comme ministre de l’eucharistie et de tous les sacrements, il se consume au quotidien dans une authentique charité pastorale et l’offrande de tout lui-même, pour la gloire de Dieu, la vie et le salut de ses frères.

Si on se réfère, enfin, aux engagements qu’il prend, aux recommandations que lui fait la Mère Eglise, le prêtre fait l’option du célibat , pour le royaume ; de la prière des heures qui actualise la fonction d’intercession inhérente au service sacerdotal ; de l’incardination ou du rattachement à un ordre religieux avec des vœux, etc.. Sans s’imposer absolument comme nécessaires et essentiels, ses engagements ont incontestablement leur bien-fondé, et scripturaire, et théologique et moral et historique ; et surtout, ils modèlent aussi quelque part la spiritualité du prêtre. Ce qui, du reste, est valable aussi d’ailleurs pour certains moyens de sanctification qui nécessairement ont leur impact sur la spiritualité sacerdotale Nous pourrions évoquer là la célébration quotidienne de l’eucharistie, la lecture et la méditation assidues de la Parole, l’adoration eucharistique, la méditation des mystères du rosaire, l’oraison, les retraites et les récollections etc…

Naturellement qui parle de prêtre diocésain parle aussi d’incardination, et donc de rattachement à une église locale donnée, avec des enjeux et des défis propres. Qui parle de prêtre diocésain parle nécessairement de lien du prêtre à une église en devenir ou en tout cas en évolution dans un lieu et à un moment déterminés. Et, évidemment ce lien impacte sur la spiritualité du dit prêtre d’une manière singulière selon le lieu, l’époque, les défis, l’évêque et ses charismes ou ses objectifs apostoliques et pastoraux etc…

Aussi, est-ce quasi impossible de parler d’une unique spiritualité du prêtre diocésain. On ne peut s’autoriser à parler d’unicité de modèle que dans le cadre plus général à la limite, de la spiritualité sacerdotale qui prend ses racines comme nous l’avons dit et redit dans la consécration et la mission du prêtre, les deux sources qui doivent essentiellement inspirer toute vie sacerdotale, à l’école et sur les pas du Souverain Prêtre Tête, Pasteur et Epoux, le premier consacré et envoyé, le premier de cordée du sacerdoce tel que l’entend notre Mère Eglise catholique romaine.

Abbé René Marie Diouf

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