La crise sanitaire que le monde traverse actuellement a entraîné un bouleversement dans tous les domaines, si bien que les pouvoirs publics ont pris des décisions allant dans le sens du confinement et du respect strict des mesures d’hygiène et de sécurité. L’Église, quant à elle, s’est inscrite dans la même perspective pour ordonner une suspension temporaire de la célébration des messes avec peuple. Une telle situation a, tout au début, suscité des questions, car bien des personnes pensent l’église est le lieu approprié pour implorer la miséricorde et la protection du Seigneur en ce temps d’épreuve. Des fidèles chrétiens ne peuvent plus se rassembler en grand pour louer le Seigneur. Il en est ainsi des fidèles musulmans.
Comment vivre sa foi en cette de crise qui coincide avec le temps de carême et en ce Vendredi Saint? Quel message le Vendredi Saint peut-il nous apporter pour faire face à cette situation et continuer à cheminer avec le Seigneur? Les réponses à ces questions nous aideront à garder la foi et à être des témoins de l’espérance dans un monde en quête de consolation et de solutions.
Selon la tradition chrétienne, le Vendredi Saint est le jour où l’Église commémore la Passion et la mort de Jésus sur la croix. Cette célébration est une occasion pour montrer au monde comment la puissance de Dieu se manifeste en son son Fils Jésus-Christ, qui a innocemment et injustement été condamné à mort. La célébration de ce jour, qui est centrée sur la liturgie de la parole, la vénération de la croix (et la communion), nous aide à entrer dans le mystère de l’amour de Dieu qui s’est manifesté à travers le don que Jésus a fait de sa vie et d’actualiser la souffrance et la mort de Jésus. Cela demande que nous soyons capable d’accueillir ce mystère et d’avoir cette empathie vis à vis du celui qui fait face celui qui subit l’épreuve, Jésus-Christ, notre Seigneur.
La condamnation de Jésus et sa mort sur la croix nous rappelle la figure du serviteur de Yahvé, «objet de mépris, abandonné des hommes, familier de la souffrance» (Isaïe 53, 3). «Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche… À la suite de l’épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé» (Isaïe 53, 7. 11).
En voyant les pertes en vies humaines, les victimes de ce coronavirus, nous ne pouvons être que scandalisés, car la vie est un don de Dieu. Des familles ne peuvent pas célébrer dignement les funérailles de ceux et celles qui sont morts de cette pandémie. Des prêtres, religieux et religieuses, des médecins meurent. Bien des personnes ne peuvent se rendre dans leur lieu de travail. Tous souffrent dans leurs coeur et dans leurs âmes. Nous imaginons une telle souffrance. Mais, en chrétiens, nous nous ressaisissons pour faire une lecture plutôt spirituelle de la situation, sachant que, parfois, c’est en tant de crise que nous sommes plus inspirés et la crise est une occasion pour notre croissance humaine et spirituelle. «Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien» (Romains 8, 28). Autrement dit, «Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu».
Cette pandémie du coronavus révèle une fois de plus notre finitude et nos limites. Elle vient rompre certaines habitudes liées à la pratique notre foi. Mais, malgré le confinement et la distanciation sociales, nous pouvons continuer à entretenir notre relation avec le Seigneur. Cette situation inattendue ne nous dispense pas de de prier et de continuer à vivre foi. Le coeur et la conscience sont véritablement le lieu propice où Dieu nous parle. Charge à nous comme Église de nous ajuster, de nous adapter à la crise et d’inventer de nouvelles manières de vivre notre foi et de rendre compte de l’espérance qui est en nous (1Pierre 3, 15-17).
Face à la «guerre» contre le coronavirus, nous sommes appelés à nous armer de patience et de courage, tout en gardant la foi en continuant à prier sans cesse. Jésus-Christ, qui a expérimenté la souffrance avant nous, nous soutient dans cette marche vers Pâques, lui qui est passé par la mort pour ressusciter enfin. Et sa résurrection est la réponse de Dieu face à ce qui lui est arrivé: passion et mort. C’est la victoire du bien face au mal. Cette crise sanitaire peut être interprétée comme un passage vers notre sanctification. Il y a un lien intrinsèque entre le Vendredi et le Dimanche de la Résurrection. Pour ressusciter, il faut inévitablement passer par la mort. C’est le moment de souligner notre étroite solidarité avce l’ensemble de la famille humaine, car «les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de toux ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur» (Gaudium et spes 1).
Tel est le message que nous voulons partager avec vous pour interpréter cette crise sanitaire à la lumière de la parole et du Vendredi Saint.
Puisse le Seigneur augmenter en nous la foi et nous rendre forts devant les épreuves, lui qui est toujours présent et qui continue à agir dans notre vie.
P. Joseph Sadio, Missionnaire Oblat de Marie Immaculée, étudiant en Formation des formateurs au sacerdoce et à la vie consacrée à l’Université Pontificale Grégorienne (Rome)
