Nous étions si esclaves du temps et des choses desquels nous abusions par une hyperactivité, une pléthore de distractions mondaines et nos égoïsmes, que nous nous désolions l’un de sa fugacité, l’autre de son évanescence.
Nous avions tellement adopté de mauvaises habitudes contre Dieu, les autres et nous-mêmes que le mal était devenu notre familier, le vice notre binôme et le bien notre pauvre parent.
Nous étions aveuglés, obstinés par le profit, la gloire, l’honneur, l’instantané, idolâtrant les biens éphémères, le pouvoir, le savoir, le charnel au préjudice de l’Etre et des êtres qui ne passaient plus comme priorités.
Nous avions chassé le naturel et le durable pour abriter l’artificiel. Par un appétit insatiable, désordonné, nous les avions sacrifiés pour chérir et choisir le superficiel, l’accessoire, l’apparent, le fictionnel, dépréciant et endommageant notre sœur et mère : la nature.
Bien des fois, nous nous étions comportés en indignes produits de la nature, en saboteurs et fossoyeurs de la vie, en ennemis ou concurrents irraisonnables de Dieu et de l’homme.
Finalement, nous étions, presqu’unanimement, coupables d’être oublieux, négligents, prétentieux, et même irresponsables.
Or voilà qu’un inconnu, un inattendu et un insoupçonné virus, à la fois vicieux et pernicieux, nous a accidentellement tous frappés, de plein fouet, déjouant nos plans, minant nos privilèges, brisant nos élans, assombrissant nos espoirs, accentuant nos crises, meurtrissant notre fragilité, voire nous confinant. Une plaie béante s’ajoute à nos plaies humaines qui ont du mal à se cicatriser.
Du coup, pris de cours, nous ne nous reconnaissons plus, nous avons pendu nos armes, nous avons perdu notre rythme, nous sommes devenus étranges et étrangers dans notre monde. Tout s’arrête et s’interrompt. Tout nous dépasse et nous surpasse. La routine, la monotonie, la solitude, l’angoisse, la mélancolie nous embarrassent.
O désolation quand tu nous prends ! O consternation quand tu nous saisis ! O Peur quand tu nous immobilises ! D’où le secours nous viendra-t-il ? Et si par une maladie, un malheur, arrivaient le revirement du monde, le sursaut de l’humanité, le réveil ou l’éveil des pécheurs que nous sommes tous ?
Là, entre nous, sonne l’heure du franc-parler. Ce virus mortel, dit Covid-19, est un rappel à l’ordre, à l’essentiel, à la vraie vie, aux bonnes mœurs, aux nobles aspirations, à la solidarité intergénérationnelle et internationale pour le bien-être de notre humanité. Ne replongeons pas dans nos erreurs ou notre errance maintenant que bon nombre d’entre nous renouent contact avec des valeurs délaissées, des gestes simples, de bonnes habitudes, en accordant du crédit et de l’attention à leur corps, leur famille, leur entourage, leur foi, en prenant conscience de l’importance des autres, du temps, de la nature, de la vie, de la santé pour leur épanouissement. Cessons toutefois de dormir sur les lauriers que nous nous sommes tressés.
Eh oui, le langage de la vérité nous exige de reconnaître que l’humanité est une seule famille. Par conséquent, nous sommes enfants d’un même Père-Créateur.
La vie sera belle si nous la rendons telle. Prenons le temps de bien vivre, de vivre sainement et paisiblement, pas seuls, mais toujours avec les autres, nos semblables. Ayons le goût de vivre, et non de survivre. Profitons pleinement du présent dans l’aujourd’hui de Dieu, en offrant aux siens et aux nécessiteux le meilleur de nous-mêmes. Soyons sobres.
Nous sommes réellement interdépendants, frères et sœurs, si bien que notre parenté humaine n’est ni à reléguer ni à bannir pour une quelconque motivation.
Aujourd’hui comme demain, soyons des athlètes de la bonne cause, des adorateurs de l’Unique Dieu et des serviteurs de la personne humaine. Souvenons- nous de notre origine et destinée en Dieu, de notre appartenance à Lui, à une même famille dans une maison commune à rendre accueillante, florissante, viable pour tous et en l’occurrence pour les générations futures.
A travers cet événement dramatique pour les uns, tragique pour les autres, il demeure indéniable que nous avons toujours besoin de Dieu, notre Bien indispensable. Nous avons davantage besoin des personnes comme ressources humaines irremplaçables. Nous avons encore besoin de la nature, si généreuse et belle quand nous en prenons soin.
Abbé Jean Noël Diouf
Grand Séminariste (Sébikotane – Sénégal)
